The Cold Phoenix

The Cold Phoenix

Chapitre 4 - CdS tome 1

Chapitre 4 : Un grand projet


-"L'île de Granda?" répéta Jallie.
-"Ouais, c'est l'île qui fait le plus d'échanges avec Grandatum. Un grand lien commercial", lui précisa Joll."C'est pourquoi on devra abandonner le bateau et finir à la nage. Et éviter de se faire remarquer. Ils seront au courant avant que l'on arrive. Avec les hitchkis les nouvelles vont très vite."
-"Les hitchkis?"
-"Ce sont de petits oiseaux rosâtres très forts pour leur poids et facile à éduquer. Ils ont un grand sens de l'orientation. Bref les messagers parfaits", renseigna Dellas.
-"Ah d'accord, mais pourquoi ne pas contourner l'île de Granda et aller directement à la prochaine?" proposa la jeune blonde.
-"Regarde", dit Joll en lui montrant sa carte de tissu à nouveau."La prochaine après celle-ci est l'île de Merchaï. Elle est trop loin pour qu'on puisse y aller sans récupérer de carburant, d'eau de Kil. L'eau de Kil c'est l'eau spéciale qui produit une vapeur puissante dont je t'avais parlé. Elle permet aussi de récupérer un peu plus vite que l'eau normal si tu la bois. Mais légèrement. Bref on peut pas", minauda Joll avant de reprendre la parole quelques secondes plus tard avec l'air d'avoir eu une idée."Ou sinon... On reste éloignés de la plage, on coupe le moteur, et on envoie Dellas voler de l'eau de Kil!"

 

 

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-"Pourquoi pas l'acheter? Puisqu'on peut", répliqua le fiston.
-"Parce qu'on est sûr de rien avec l'argent. Je pensais en reprendre un peu avant de partir, mais avec les évènements j'ai oublié", justifia son père."De plus l'eau de Kil coûte un certain prix tu le sais. On pourrait ne plus pouvoir manger."
-"Quoi, plus pouvoir manger à cause d'un bidon d'eau?" se moqua Dellas.
-"Pas un, si on fait tout le chemin il nous en faudra plusieurs. On en paiera quelques uns, pas tous. Et tant qu'à en voler, autant voler le premier pour éviter de te faire voir, c'est plus prudent."
-"Mmh.. ton raisonnement tient."
-"Evidemment!"
-"On fait comme ça alors!" intervint Jallie.
-"Ca marche", répondit Joll.
-"Dellas fait tout le boulot pendant que nous on reste tranquille!" tacquina l'adolescente avec un grand sourire narquois.
-"Tu y prends trop goût, toi", rétorqua le jeune homme.
*****
-"On y est!" annonça Joll en coupant le moteur.
-"Bon, à tout à l'heure!" salua son enfant en plongeant prestement dans l'eau de mer.
Quand il fut loin, Joll s'adressa à Jallie.
-"Il est plein de vie hein", émit-il avec un doux sourire bienheureux.
-"Oui, ça c'est le moins qu'on puisse dire."
-"Il ne devrait pas mettre longtemps."
-"Espérons-le. Et aussi espérons qu'il ne se fasse pas attraper."
-"Dellas Gomfore, se faire attraper?"
Joll éclata de rire comme pas permis.
"Ahaha toi t'en as de bonnes tu sais. C'est en voleur hors-pair. T'inquiète pas pour ça va, il sait s'y prendre. Il est doué. Ce n'est d'ailleurs pas mon cas. Il a déjà essayé de m'apprendre mais c'est vraiment pas mon truc."
-"Chacun son talent", dit Jallie, qui n'était pas surprise de cet aveu.
-"Oui, et toi tu dois trouver le tiens."
-"Exact. En tout cas je me sens très bien ici", lui avoua la jeune fille en regardant autour d'elle.
-"En quel honneur?" interrogea Joll.
-"En fait, j'avais toujours un peu peur, sur le grand continent. A cause de Doln. Bien que je ne sache pas à quoi il ressemble, il m'effrait."
-"La peur de l'inconnu est la plus grande de toutes. Mais pourquoi tu te sens mieux ici, jeune fille?"
-"Parce que Doln ne nous atteindra pas ici, voyons!"
Elle souriait. Joll la regarda comme si il comprenait quelque chose à l'instant. Il la considéra sérieusement.
-"Tu crois vraiment être en sécurité ici?"
-"Eh bien... oui, pourquoi?" s'inquiéta Jallie en arrêtant de sourire."Il peut nous atteindre en mer? Je croyait qu'il ne quittait pas le grand continent?"
-"En effet, il ne le quitte pas. Mais en mer il y a pire que Doln."
-"Comment ça?" s'exclama Jallie.
-"Il y a Sahon. Il est pareil que Doln, en pire. Il détruit tout ce qui est à sa portée. Tout ce que les gens ont pu voir, c'est son gigantesque aileron dorsal. Tu sais que Doln signifie cupidité? Eh bien Sahon signifie pêché en ancien galter. Tu sais mieux que moi ce qu'est un pêché je suppose", assura Joll en reprenant un petit sourire.
-"Une mauvaise action vis-à-vis de Sirion... Mais je ne savais pas qu'il y avait aussi un monstre géant dévastateur en mer..."
-"Voyons, ne t'inquiète pas tant. Ca ne changera rien."
-"Malheureusement."
-"Il paraît même qu'il y a une créature encore plus destructrice que Doln et Sahon réunis, qui elle arpente les cieux. Tout appareil volant aurait du soucis à se faire."
-"Tu crois que c'est vrai?"
-"Non, cela me paraît trop gros. En tout cas je comprends bien pourquoi on ne t'en a pas parlé. Ton couvent se trouvait sur terre, tu étais censée y vivre jusqu'à ton dernier souffle, alors on ne t'a parlé que de ce qui te concernait."
-"Dis, Joll... Les sirionîtes ont toujours été aussi nombreux et influents sur Salfia?"
-"Non. Ils étaient une religion comme une autre avant. Mais depuis La Faille, un sacré paquet de choses ont changés. Surtout celle-ci. Comme quoi il faut que les gens croient qu'on les ait punis pour se mettre a croire en quelque chose. C'est d'une stupidité."
-"Mh", acquiesça l'ancienne sirionîte. Elle reprit alors le sourire en changeant de sujet."Parle-moi de la princesse qu'on a vu, s'il te plaît."
-"La princesse Flécha Holonien. Issue d'une famille de reines honnêtes, ce qui est assez rare pour être remarqué. Une jeune harnassienne connue pour sa beauté, presque légendaire, ainsi que pour le vol de sa place et le retournement de son peuple contre elle. Ses parents sont morts un jour, et le conseiller de la famille royale a déclaré avoir connaissance d'informations compromettantes pour la famille Holonien. Il les donna au peuple qui, à cause de son talent pour l'éloquence, le crut sur ses foutaises. La princesse agée alors de 2 ans fut exilée du territoire. Par chance elle fut suivit par un petit garçon de 4 ans qui s'était déjà attaché à l'enfant. Le protecteur royale, qui la nourrit dehors, dans les forêts qui entourent Jotorn. Les deux ont grandis, et la princesse compte bien réparer cette injustice. Et les voilà à Grandatum."
-"Tu dis <<ses foutaises>>, comment sais-tu qu'il a mentit?"
-"C'était il y a 18 ans. Mon meilleur ami était encore là. Frennks était encore là. Il le savait, et je lui fais absolument confiance."
Jallie ne dit rien. Elle se rappela de Dellas. Il lui avait dit de ne rien dire la-dessus, et Joll n'avait pas l'air prêt à en parler. Un silence long eu lieu. Brisé lorsque une ombre apparue au loin.
-"Le voilà!" s'écria Jallie.
Dellas continuait de nager vers eux. Il monta ensuite sur le bateau, trempé. Il sortit le bidon de l'eau.
-"Tadaaa! Alors heureux?"
-"Très bien fils! Allons-y!"
Joll versa une partie du bidon dans le moteur.
-"Pourquoi tu ne verses pas tout d'un coup? Ca t'évitera d'avoir à recommencer l'opération."
-"Il y a une quantité maximum. Sinon tu te doutes bien qu'il le ferait", répliqua Dellas.
Bien plus tard, les compagnons arrivèrent près d'une île.
-"Si on a bien suivit la boussole, et qu'elle marche ce qui devrait être le cas, c'est l'ïle de Merchaï qui se trouve devant nous", annonça Dellas.
-"Il vaut mieux. Il vaut mieux."
Joll dirigea le bateau vers les petits quais qu'il y avait. Il ralentit puis arrêta le moteur. Il prit les petites clés.
-"Comment peut-on fermer un moyen de transport?" demanda Jallie.
-"Cela verrouille l'ouverture du moteur. Inutile de voler un bateau si il s'arrête très vite sans qu'on puisse le recharger. Mesure de sécurité contre les gens comme nous", conclut Joll en ricanant.
Dellas rit à son tour, puis Jallie le fit comme par réflexe. Les trois compagnons marchèrent sur le petit quai et sur le sable jaune et fin de la plage de Merchaï. Jallie cogitait un peu à propos de la philosophie de ses compagnons. Les Gomfore n'hésitaient pas à voler. Ils évitaient mais savaient malgré tout qu'il fallait parfois faire des entorses aux codes moraux pour réussir et survivre. Il fallait parfois se montrer égoïste, dans son intérêt. Mais cela ne les empêchait pas d'être des gens bons, prêts à aider leur prochain. C'était un bon compromis que la jeune femme approuvait. Les compagnons arrivèrent devant une taverne à terrasse ouverte. Ils aperçurent une situation un peu particulière, même pour une taverne.
-"Va te faire foutre, couard", clama haut et fort un très grand et large homme chauve en armure sombre.
-"Répète ça pour voir, puholicide", provoqua calmement un galter aux poils jaunes foncés, face à l'homme.
Il était entouré de trois autres galter, deux aux poils verts et un aux poils rouge très foncé.
-"J'ai dit: va te faire foutre, couard", reprit le grand homme avec détermination.
Après moins de deux secondes de regard, le galter dégaina sa hache à double tranchant et frappa l'homme, qui bloqua avec son espadon(énorme épée, encore plus grosse qu'une claymore), puis décapita le galter. Deux galter se jetèrent sur lui, l'un avec une lance, l'autre avec une épée à double tranchant. L'homme esquiva sur sa gauche et frappa d'un coup qui brisa la lance du galter rouge foncé, puis envoya un coup de pied frontal qui repoussa le vert. Ce dernier bouscula Jallie. Joll l'entoura de son bras par réflexe paternel. L'autre galter vert lança d'un mouvement de la main une flamme dont le grand homme se protègea avec son espadon. L'autre galter s'était relevé et attaqua à nouveau. Cette attaque n'atteint pas sa cible car le grand homme avait mit son arme en barrage qui transperça le cou du galter vert à épée. Le galter rouge sauta à la gorge de l'homme pendant que le galter vert utilisant le feu ne savait comment agir, de peur de blesser son compagnon. L'homme jeta violemment à terre son adversaire et lui écrasa le cou de son pied. L'autre galter se mit alors à fuir, mais l'homme ramassa le bout de lance à terre et le lança dans le dos non protégé du galter, qui tomba au sol.
-"Qu'on me laisse boire en paix."
Jallie se redressa et les trois compagnons avancèrent alors. Elle regarda Joll en attendant une explication, qu'il lui donna.
-"Cet homme en armure que tu as vu, est Hodgar Figan. Il vient de Puhud, ville réputé pour le pouvoir absolu de chez absolu que possède ses souveraines, appelés puhol. Il n'a pas supporté cela, l'histoire a mal fini pour sa souveraine. Depuis il est célèbre. C'est le seul qui a tenu tête, directement, à une puhol depuis bien longtemps."
-"Comment a-t-il fait pour survivre? La puhol n'était pas protégée?" demanda intelligemment Jallie.
-"Si, bien sûr. Mais tu l'as vu, peu osent s'opposer à lui, surtout avec sa force de caractère. Il a <<pisser au cul>> de la puhol. Littéralement", dit Joll en ricanant avec un grand sourire."Il lui a ôté sa robe et lui a uriner sur la raie", continua l'homme qui s'empêchait visiblement, non sans mal, d'éclater de rire."Et il l'a tué. Quand tu vois ça, t'oses pas dire quoi que ce soit, il faut être honnête."
-"C'est l'histoire préférée de mon père, comme tu peux le voir", intervint Dellas.
-"Oui, je vois ça."
-"Je suis fan de ce type", précisa Joll en souriant comme si il faisait un aveu.
-"Moi je suis fan de moi", dit Dellas, ironique.
-"Ecoutez-moi le celui-là", rétorqua Jallie.
-"Voilà le magasin d'outils", trancha Dellas.
C'était un store en bois. Il y avait de tout et n'importe quoi là-bas.
-"On voudrait deux reservoirs d'eau de Kil, si vous voulez bien", dit Joll.
-"Bien sûr voyageurs", acquiesça la vendeuse en ramassant deux bidons derrière elle. Elle les posa sur le comptoir."100 chri."
-"100? C'est bien cher je trouve", répondit Joll.
-"Le voyage depuis Kil est long et semé d'embûches."
-"Mmh, c'est vrai", conclut Joll en donnant 10 grosses pièces.
-"En vous remerciant."
-"Pas de quoi", dit Joll en partant.
Plus tard, en mer, Dellas dormait sur un des deux bancs du bateau, pendant que Jallie regardait par dessus bord, et que Joll réfléchissait."Et si ils ne savent rien? Et si elle était vraiment morte?" se prit l'homme large à penser.
-"Joll, ça va?"
-"Moui, oui", dit-il en sortant de ses pensées.
-"Tu t'inquiètes pour ta femme?" devina la jeune fille.
-"Eh bien oui, vois-tu. Quand tu auras trouvé l'âme soeur, si tu y parviens, tu comprendras."
-"C'est bien."
-"Comment ça?"
-"Si tu t'inquiète, c'est que tu l'aimes fort, non? Donc c'est bien."
-"Pas si il lui est arrivé quelque chose de grave."
-"On verra. Quel est notre prochain arrêt?"
-"L'île la plus à l'ouest des îles Jakamo. Il ne faudra pas traîner."
-"Pourquoi cela?"
-"Et bien parce que si les îles de Jakala et Jakamo se sont séparées, ainsi que leur tribu qui n'en formait qu'une, c'est à cause d'une divergence de points de vue. Il se trouve que les jakali sont un peuple très respectueux et ouvert. Les jakamo sont très fermés aux étrangers et n'hésitent pas à leur trancher la gorge quand ils ne leur plaisent pas. Ils protègent farouchement leur territoire. C'est pourquoi nous nous dirigeons vers le bord est de l'île. Ainsi nous serons sûrs, en longeant l'île vers l'ouest, de trouvé le point ouvert. C'est là où beaucoup d'étrangers vivent et passent, on ne risque pas grand chose. Mais on ne s'attardera pas pour plus de prudence."
-"Dans ce cas, autant ne pas s'arrêter. On a bien prit deux bidons non?"
-"Certes. Mais on devra manger. Ou plutôt prendre à manger et déguerpir. C'est l'idée. Quoique..."
-"Pourquoi n'a-t-on pas prit à manger sur l'île de Merchaï, dans ce cas?"
-"Eh bien... parce que la cuisine jakamo est délicieuse et à prix réduit", avoua Joll avec un sourire ébêté.
-"Mais pourquoi les jakamo ont-ils créés un point ouvert, si ils n'aiment pas les étrangers?"
-"Ils n'en ont pas créé un, c'est juste un endroit qui est devenu comme ça, et moi et Dellas lui avons donné un nom. Les premières fois que l'on venait sur l'île de Gesil, on ne le connaissait pas. Voyager était alors une tâche plus risquée", expliqua Joll avec un coup d'oeil en l'air.
-"Qu'est-ce qui vous est arrivé?" questionna l'ancienne fille de couvent.
-"On a eu quelques soucis avec la population locale, des choses et d'autres..."
-"Je vois..."
-"Au fait je dois te dire. On va faire un plus long arrêt sur l'île d'Acarne. On doit passer voir des amis."
-"Je croyais qu'ils étaient tous sur l'île de Gesil."
-"Presque. Il y a un vieux couple sur celle-là. Ils vivent dans une maison, non loin de la plage. Nous les connaissons parce qu'ils sont amis à nos amis de l'île de Gesil."
-"Ah. Et qui sont vos amis de Gesil, au fait?"
-"La fille de feu mon ami Frennks Leonarde, Dyûl. Et le voisinage qui nous connait bien et nous accueille chaque fois de manière chaleureuse et unique. Tu verras, l'île de Gesil est un endroit marginal et très sympathique. Les gens y sont très gentils. Ca va te plaire."
-"Comme quoi j'ai bien fait de sortir du couvent, hein!"
Sur ces mots, Jallie se rappela de Loria. Cette fille si innocente et bonne. Cette humaine aux yeux magnifiques. Deux émeraudes. Elle manquait beaucoup à l'aventurière. "Il fallait faire un choix" se rassura-t-elle. De toute façon elle avait promis de revenir la voir, et elle tiendrait sa promesse. Elle pensa alors à sa queue. Elle devait presque atteindre les 25 centimètres, du moins c'est l'impression que Jallie avait. Elle n'avait pas gratté depuis Grandatum. C'était bon signe. Elle ne se sentait toujours pas d'en parler à ses compagnons. Etait-ce la honte? Peut-être. La peur? Certainement pas. Ou alors l'envie d'avoir son secret. Joll avait le sien, il ne parlait pas de son ami défunt. Jallie pensa alors à Tilia. Elle aimerait la revoir, la convaincre de la vacuité de sa religion. Et lui dire qu'elle avait réussi. Du moins jusque là, c'était une réussite. Elle avait trouvés de bons amis, avait appris de bonnes choses et plus encore. Elle avait vu des gens célèbres. Le Bar Thanos, énigme des plus mystérieuses. La princesse Flécha Holonien, une des merveilles du monde. Le protecteur royal Clav Korun, un homme incroyablement fidèle. Hodgar Figan, certainement l'un des hommes les plus téméraires de Salfia. Tout cela en quelques jours. Le couvent paraissait si loin. Jallie toucha son pendentif, fait d'une feuille en or et une boule de cristal bleu, le cadeau de Loria. Il se mit alors à pleuvoir, ce qui eu pour effet de réveiller Dellas.
-"Gros dormeur!" s'exclama Joll.
-"C'est fatiguant la jeunesse. Surtout avec un père comme toi", répliqua le jeune homme en se réveillant.
-"Et avec un fils comme toi, c'est encore pire crois-moi sur parole."
-"Pfeua!"
-"En parlant de cela, quel âge a la fille que nous allons voir à Gesil?" demanda Jallie.
-"22 ans, il me semble. C'est une harnassienne. Elle a des cheveux bleu bien foncés, et une peau bien blanche et rayonnante, même pour une harnassienne. Je pense que vous vous entendrez bien", lui apprit Joll.
-"Super alors."
La nuit tomba. La pluie diminuait sa cadence, sans pour autant s'arrêter. Jallie s'endormit, Joll fit de même deux heures plus tard. Dellas guidait alors le bateau, s'assurant qu'il allait dans la bonne direction en regardant la boussole. Au réveil, Joll aperçut l'île au loin.
-"Plus qu'à longer et trouver le point", clarifia-t-il.
-"Affirmatif", dit simplement Dellas.
-"Affirmatif?" répéta Joll avec une grimace."T'es bizarre parfois, fils. Allez, laisse-moi conduire."
Jallie se réveilla.
-"C'est la bonne île?" s'assura la jeune fille.
-"Oui. On va pas tarder à arriver. Je reconnais ces paysages", dit Dellas.
-"Vous êtes venus combien de fois sur l'île de Gesil?"
-"Mmmh... je dirais sept ou huit fois", répondit le jeune homme.
-"Hmm. Et vous n'avez jamais été attaqué par Sahon?"
-"Non. Je ne savais pas que tu connaissais Sahon. Je croyais qu'étant dans un couvent sur le grand continent, on ne t'aurait parlé que de Doln."
-"Joll m'en a parlé quand tu étais sur l'île de Granda."
-"Han."
-"Mais si vous vivez sur une montagne, Doln ne peut vous atteindre. Vous êtes donc à l'abris du danger", déduit Jallie.
-"Non, il reste le démon des cieux."
-"Balivernes, une telle créature n'existe pas. Ce sont les gens qui l'ont inventés. Je soupçonne même les sirionîtes de l'avoir fait, pour éviter que des machines soit utilisées, et aussi éviter les attaques aeriennes", argumenta Joll.
-"Mais je l'ai vu."
-"Tes yeux ton joués des tours, Dellas."
-"Non, je sais ce que j'ai vu. Crois ce que tu veux, mais il existe."
-"Tu as vu la soit-disante créature des cieux?" intervint Jallie.
-"Oui. Le démon des cieux. Un jour je m'entrainais, juste devant notre maison, et j'ai aperçu un aeronef voler non loin de nous. Il fit soudain sombre, comme si des nuages violets couvraient le ciel. J'ai alors aperçu deux yeux rouges, brillants dans cette obscurité. L'aeronef a, l'on aurait dit, implosé, littéralement. Un instant plus tard les yeux avaient disparus, puis les nuages. Les morceaux d'aeronef ont ensuite dégringolés du ciel."
-"Dans ce cas pourquoi tu ne le crois pas, Joll?"
-"Parce que je ne pense pas qu'un être si puissant puisse exister. Et puis pourquoi se restreindre aux seuls cieux? Ca n'a pas de sens. Et puis ça donnerait presque raison aux sirionîtes qui disent que Sahon, Doln et tous les monstres sont une punition. Et je refuse cette idée, stupide, si tu veux mon avis. Bien sûr tu es libre de te forger le tiens."
-"Moui", réagit simplement Jallie, les yeux rivés vers le bas, sur le fond du bateau gris-bleusâtre.
Elle appréciait l'esprit de Joll. Un esprit ouvert, quelqu'un pour qui il fallait se forger soit même, être indépendant. Et puis il avait toujours ses arguments quand il exprimait un avis, et ne pensait pas détenir à lui seul la vérité absolue. Ce n'était pas le genre de choses auxquelles la jeune fille était habituée, venant d'un couvent sirionîte. Là-bas, la seule pejûl qui acceptait les autres opinions, c'était Tilia. Les autres étaient aussi fermées que les portes du couvent. Dellas la fit soudain sortir de ses pensées.
-"Nous-y sommes!"
Quelques secondes plus tard, il s'arrêta près de la plage, ferma le moteur, et attrapa une corde attachée à un gros piquet. Les trois compagnons sortirent du bateau et Joll et Dellas se mirent à tirer le bateau vers le sable. Peu après Jallie faisait de même. Une fois le bateau au contact du sable, Dellas planta fermement le piquet. Jallie ramassa une poignée de sable sec. Ce sable là était très jaune. Cette couleur s'opposait à la flore alentour, qui était d'un vert éclatant.
-"Bon, allons manger!" força Joll.
-"Ouais ouais ouais ouais!" confirma le fils."Tu verras Jallie, quand t'auras goûté, tu penseras qu'à revenir ici. Surtout toi qui a l'habitude de la cuisine de couvent!"
-"Haha, on verra", répliqua joyeusement son interlocutrice.
Ils arrivèrent très vite à un petit restaurant en plein air. Aucun toit nulle part. Ils prirent place et bientôt l'un des deux serveurs vint à eux.
-"Tiens, revoilà les Gomfore! Alors on va encore à Gesil?" minauda-t-il joyeusement.
Les deux hommes se retournèrent aussitôt. Le serveur, qui faisait déjà face à Jallie, était un petit harnassien, avec des cheveux mi-longs rouges en bataille, et une moustache délavée. L'homme avait environ 25 ans et la peau mâte, tout en étant plutôt brillante, normal pour un harnassien.
-"Yvar!" s'exclama Joll en se levant pour prendre l'harnassien dans ses bras, Son fils l'imita.
-"Comment vas-tu? Ton père t'entraines toujours autant?"
-"Il n'arrêtera jamais", souffla Dellas en ricanant.
-"C'est tout à fait lui ça! Et qui est votre jeune amie?"
-"Je m'appele Jallie Noiris. Je les ai rencontrés dans la forêt de Bafalsa."
-"Ca a tout de suite été le grand amour", renchérit Joll.
-"Enchanté, Yvar Bogh'der", se présenta alors le serveur en tendant sa main poing fermé, paume vers le haut.
Jallie resta sans savoir quoi faire. Elle vit alors Joll qui lui fit signe de placer sa main dans la position inverse sur celle d'Yvar.
-"Enchanté", répéta-t-elle.
-"Bien, que voulez-vous donc cette fois?"
-"Pour moi un steak de géhabro, avec des légumes à la façon du chef", dit Joll.
Le serveur nota la commande.
-"Moi je vais te commander une côte de qabryl, et du riz jakamo", dit Dellas.
Yvar nota, puis regarda Jallie.
-"Euh, je ne sais pas..."
-"Je vous conseil le menu du voyageur, c'est un repas complet qui permet aux nouveaux venus de découvrir, et savourer, la cuisine jakamo."
-"Bien, d'accord alors", dit Jallie.
-"Cela fera donc 24 chri."
-"T'as la monnaie sur 30, Yvar?" demanda Joll en manipulant ses pièces.
-"Bien sûr."
Joll donna trois grosses pièces cuivrées et Yvar lui en donna six petites.
"Je vous apporte le tout dans un instant."
Le serveur fit un signe respectueux de la tête et retourna vers les cuisiniers. Jallie sentait déjà la bonne odeur, et en salivait d'avance.
-"Qu'est-ce que ce salut? Une tradition jakamo?" demanda Jallie.
-"Non. C'est la manière de se saluer dans tout Salfia. La femelle met la main paume vers le bas et le mâle vers le haut. La femelle place sa main au-dessus, le mâle en-dessous. Si deux humanoïdes du même sexe se saluent, ils placent leur main au même niveau, et se touchent les phalanges et doigts. Tu as compris?" expliqua Joll.
-"Oui. Mais pourquoi la femme la met au-dessus et l'homme en-dessous?"
-"Femelle. Et mâle. Femme et homme désignent respectivement la femelle et le mâle humains. Pour ta question, et bien il s'agit pour les mâles de respecter les femelles, rien de plus. C'est une marque de respect."
-"Pourquoi pas l'inverse?"
-"Et bien parce que les femelles sont plus doués en magie, et pour ce qui touche à l'énergie interne. Elles sont donc considérées comme plus fortes. Et elle possède le charme. Et donnent naissance aux enfants. De plus selon beaucoup de religions, dont le dasim, leur dieu a d'abord créées les femelles, avant les mâles. C'est une manière de penser courante. Rien de plus, c'est comme ça."
-"Hinhin"; acquiesça Jallie, l'air plutot pensive.
-"C'est pourquoi les femelles sont en général plus respectés et qu'elles occupent plus souvent les places importantes, comme reine, puhol tout cela. D'ailleurs pour ton information, la première fille du couple royal devient plus tard reine, ou puhol, et se choisit ensuite le mari, qui devient le roi ou puhol masculin. Mais la reine ou puhol féminine possède bien plus de pouvoir. Après, parfois il arrive que ce soit un roi et non une reine. Mais c'est quand même plus courant", monologua Joll.
-"Ah. Les choses ont une drôle de façon de fonctionner je trouve..."
Yvar revint alors avec les plats. Il les posa devant chaque client.
-"Voilà donc, bon appétit!"
-"Merci!" s'exclamèrent en choeur les trois compagnons.
Peu de temps après, Dellas demanda à Jallie:
-"Alors, tu vois?"
-"Oui c'est vrai c'est excellent!"
-"Et c'est très peu cher. Le repas parfait quoi!" conclut hâtivement l'ainé du groupuscule.
-"En tout cas cette côte de qabryl est délicieuse", dit Dellas.
-"Qu'est-ce qu'un qabryl?" interrogea Jallie, en mâchant.
-"Un monstre volatile à deux pattes poussant des cris tordants, qui vit sur ces îles."
-"Et un gé.."
-"Géhabro", corrigea Joll."C'est un monstre énorme et très féroce qui vit sur ces îles, mais aussi ailleurs. Difficile de tuer de telles bêtes. Mais les guerriers Jakamo sont parmis les plus craints. Ca nous arrange bien parfois."
-"Et vous, vous seriez capable d'en tuer un?"
-"Bien sûr", répondit tout de suite Dellas."Bien que ce ne serait pas aisé."
-"Bien sûr", répéta Jallie.
Plus tard en mer, Joll informa Jallie de la situation.
-"Bon, écoute-moi Jallie. Il nous reste deux îles avant celle de Gesil. La prochaine est celle de Manda. On va y voler un bidon d'eau de Kil, et je t'y montrerai un monument historique. C'est très beau, et c'est à voir quand on passe. Il se trouve au nord de l'île. On en aura pas pour longtemps. Ensuite, direction l'île d'Acarne. Comme je te l'ai dis, on rendra visite à des amis là-bas, cela prendra son temps, mais on devrait être partis assez vite. On achète deux bidons, et on part pour Gesil. Là-bas on va voir les amis, et éventuellement retrouver Ornael, du moins il faut l'espérer. Des questions?"
-"Aucune. C'est super. Je visite le monde, c'est ce que je voulais."
-"Bien. Fais un somme si tu veux, on dort pas beaucoup ces derniers temps. Et puis cette traversée va prendre un peu plus de temps que les autres."
Près d'un jour plus tard, les trois compagnons aperçurent l'île de Manda. Quelques débris de bois flottèrent alors à coté du bateau à moteur. Les habitations de bois apparurent alors, détruites.
-"Sahon..." soupira Dellas avec fatalité.
-"L'avantage c'est qu'il ne risque pas de revenir dans le coin avant un moment, normalement. Au moins nous on sera à l'abris", remarqua judicieusement Joll, sans joie."Bon. Changement de plan. On achète le bidon et on volera ceux d'Acarne. Enfin, si il y en a."
Ils descendirent bientôt du bateau et Dellas planta le piquet dans le sable. Celui-là était très blanc, et fin. Les trois compagnons avançèrent sans dire un mot, les survivants de l'attaque les regardaient avec de la peine dans les yeux, sans rien dire eux non plus. Les dégats étaient colossaux, et Jallie ne pouvait que compatir à la douleur de ces gens, et aux nombreux enfants de son âge, laissés sans maison où habiter. Ils commençèrent à grimper sur un chemin qui se dirigeait vers le sommet de la colline. L'herbe était plutôt courte. La marche était agréable. Le jour faiblissait.
-"La nuit ne va pas tarder à tomber", constata Joll.
-"Comme quoi les 32 heures qui composent nos jours passent vite", poursuivit Dellas.
Ils aperçurent alors une grande balance, de leur taille, avec d'un coté un homme criant, et de l'autre une simple boule noire. Le tout était une statue sculpté dans la pierre, noire elle aussi... Tout cela formait un sombre monument.
-"Voilà", désigna Joll.
-"Qu'est-ce que c'est?" s'informa Jallie.
-"Cela représente la justice avec d'un coté, un homme qui a faillit à son serment envers le dieu de la mort, Kisatyas. De l'autre coté, une boule noire, symbole de ce dernier. L'histoire dit qu'un homme ayant signé un contrat avec Kisatyas ne respecta pas sa part du marché. Le dieu de la mort lui a alors repris violemment tout ce qu'il avait, puis sa vie. Cela s'est passé ici. C'est là où est la statue que l'homme s'est vu rattrapé par ses obligations. Une bonne leçon: on ne trompe pas un dieu."
-"Comment sait-on qu'un dieu existe réellement?" contra alors Jallie.
-"La plupart répondent aux appels. On peut leur parler via leurs autels, bien qu'ils ne répondent pas à tous."
-"Sirion existe alors?"
-"On ne sait pas vraiment. Les écrits de nos ancètres en parlent beaucoup. Mais il semblerait qu'il ne réponde plus depuis des décennies, si non des siècles. Certains disent donc qu'il n'a jamais existé, qu'il n'est qu'un mythe. C'est tout ce que je peux te dire", expliqua Joll.
Ils entendirent alors un bruit de pelle pénétrant dans la terre. Ils se tournèrent alors tous trois sur leur droite. Quelqu'un était en train de creuser. Il portait une robe à capuche noire, on ne voyait pas du tout qui il, ou elle, était.
-"Que faîtes vous?" demanda le curieux Dellas.
Le personnage mit un instant avant de répondre.
-"Je creuse une tombe, ne vois-tu donc pas?" le tança-il avec une voix de mâle ni grave ni aigüe, en se retournant vers le groupe.
Dellas aperçut alors un visage sombre, rasé, avec des cheveux blonds qui tombaient au bas des joues.
-"Une tombe pour qui?" demanda Jallie.
-"Pour d'innombrables morts à venir. Pas bientôt, mais assez sûrement."
Un silence suivit. Jallie et Dellas échangèrent un regard dubitatif. Joll resta de marbre, tout en fixant l'étrange être sans cligner des yeux.
-"Vous comprendrez un jour."
Sur ces mots, l'étrange individu disparut, comme si il s'était enfoncé dans le sol sous la forme d'une ombre. Dellas et Jallie échangèrent un regard surpris cette fois. Il regardèrent alors Joll, comme pour attendre ce qu'il allait dire.
-"Un individu bien singulier. Bon, maintenant, partons. L'île d'Acarne nous attend."
*****
-"Mais je ne comprends pas, si il y a déjà plusieurs dieux dont l'existence nous est certaine, pourquoi chercher à vénérer des dieux comme Sirion?" demanda Jallie qui s'adressait principalement à Joll.
La jeune fille avait la tête remplie de questions. Mais elle n'en posa qu'une pour le moment.
-"Les gens ont souvent besoin de s'appuyer sur une puissance supérieure, pour se sentir en sécurité, plus rassuré. Si tu sais qu'un dieu existe, alors tu sais aussi ce qu'il fait ou non. Croire en autre chose permet d'avoir toujours une carte en plus, de faire confiance à une force inconnue, dont l'étendue l'est aussi."
-"C'est se bercer d'illusion, moi je dis."
-"Je suis bien content que tu penses ainsi, ma petite!" s'enjoya l'homme à la peau mate.
-"Je n'aime pas trop <<ma petite>>."
-"Je te comprends, ma petite", tacquina Joll.
Jallie soupira d'exaspération, mais sourit nerveusement, car Joll avait ce pouvoir de la rendre de bonne humeur.
-"Je crois que le moteur à besoin de plus d'eau", remarqua Dellas.
-"Tu as raison, passe-moi le bidon."
Dellas s'éxecuta, et Joll versa de l'eau de Kil dans le compartiment prévu à cet effet. Le bruit de moteur du bateau redevint donc plus lourd.
-"Alors, qui sont les gens que l'ont va voir à Acarne?" demanda Jallie.
-"Les Balno. Horia et Sebé. Des harnassiens très sympathiques. Horia doit avoir 80 ans, et Sebé 84. Il est très drôle. Et elle est très chaleureuse. Ils sont gentils tu verras."
-"Dis Joll, quelle est la durée de vie d'un harnassien?"
-"Toutes les races de Salfia vivent environ 100 ans, un peu moins. Les humains compris. Tu as encore le temps ne t'inquiète pas", rassura l'homme avec un clin d'oeil.
-"Ce n'est pas vraiment là où je voulais en venir. Juste savoir. Et les créatures?"
-"Elles ont toutes leur durée, et je n'en connaît que très peu. A Gesil il y a un professeur à qui tu pourras demander des précisions."
-"C'est quoi exactement un professeur?" demanda Jallie.
-"Eh bien c'est quelqu'un d'instruis, qui étudit certaines choses et les apprends aussi."
-"D'accord."
Jallie était satisfaite. Elle pourrait demander des explications sur sa petite particularité à ce professeur. Quelqu'un comme cela devait sûrement pouvoir lui répondre, ou au moins la guider.
*****
-"Jallie! Réveille-toi, on y est!"
C'était la voix claire de Dellas. Jallie se réveilla rapidement et s'assis sur le banc où elle était, celui à l'arrière du bateau. Elle aperçut alors l'île. Là où ils étaient, il y avait beaucoup de maisons de bois, comme celles de Manda, mais debouts et intactes. Le sable était plutôt jaune et très gros, et la plage de sable s'arrêtait en quelques mètres sur de l'herbe vert sombre. Le sable et l'herbe s'entremêlaient alors, c'était joli à voir comme paysage.
-"Comment vous faîtes pour arriver exactement où vous le voulez, avec une simple boussole?"
-"L'habitude, et puis la nuit il y a les phares. Ils sont visibles de loin afin de guider les voyageurs", affirma Joll.
Comme les autres fois, les trois humains tirèrent le bateau à la force de leurs dorsaux et de leurs biceps, vers la plage, et Dellas planta le piquet de bois.
-"Un peu plus loin il y aura une route, qui mènera à un village au milieu de l'île. Leur maison se trouve sur ce chemin, non loin de la plage", renseigna le jeune adulte en se penchant vers Jallie, mais sans la regarder.
Ils marchèrent tous trois sur la plage et quelques dizaines de mètres plus tard, ils aperçurent le petit chemin creusé qui partait de la plage. Près de ce chemin, il y avait, entre deux petites dunes de sable, une harnassienne aux cheveux blonds, tombant jusqu'aux épaules. Elle manipulait un poisson de taille moyenne, sans le toucher. Elle semblait se concentrer pour parvenir à cet exploit. Les trois compagnons la regardèrent en marchant. En arrivant près d'elle, Jallie se mit à parler, plus curieuse encore que les deux autres, stupéfaite.
-"Comment faîtes-vous cela?"
-"Vois-tu jeune fille", dit d'un puissant calme l'harnassienne,"il y a des choses que l'on ne peut expliquer, ce sont simplement des dons."
L'harnassienne parlait très sereinement, elle avait l'air réservée. Elle devait avoir la vingtaine, avait des yeux verts luisants, des lèvres très rouges, et des vêtements de la même couleur. Elle avait une sorte de robe aux manches courtes, qui descendait jusqu'aux genoux, mais était ouverte sur les cotés. Ses jambes étaient tout de même cachée par ses longues bottes rouges aussi, qui montaient jusqu'en haut des cuisses. Elle avait de longs gants jaune foncé qui arrivaient aux coudes.
-"On s'est déjà vu non?" demanda Dellas.
-"C'est possible."
Dellas savait qu'il l'avait déjà rencontrée. Mais il ignorait où et quand.
-"Dîtes, connaissez-vous les Balno? Nous venons leur rendre visite", profita Joll.
Le quadragénaire se rappellait aussi de cette harnassienne, il avait posée cette question juste pour voir comment elle s'exprimait et tenter de se rappeler d'où ils l'avaient rencontrée.
-"Oui. Ils sont dans leur maison. Vous n'aurez pas de mal à les trouver."
-"Merci. Espérons qu'il n'ait pas bougés entre-temps", conclut Joll en commençant à partir, suivit des deux autres.
-"Certainement pas", ponctua l'harnassienne, avant de retourner à ses occupations.
Une fois plus loin, lancés sur le chemin, Joll romput le silence.
-"Tu vois Jallie, je devais te parler des deux dernières apartenances. Cette harnassienne est une kallato. Ces gens utilisent leur maul vitarri, l'énergie interne, pour faire jaillir des sorts élémentaires, généralement ceux de leur élément de prédilection."
-"Comment tu sais que c'en est une?" demanda Dellas, incrédul."Elle est visiblement habillée comme une mage, certes, mais qu'est-ce qui te dit que ce n'est pas une daffilesto ou une hazato?"
-"On l'a déjà vu. Je ne me rappele ni où ni quand, mais je me rappele que c'est une kallato."
-"Oui c'est vrai que maintenant que tu me le dis, c'est cela. On a dû la croiser en venant à Gesil. Pas étonnant."
-"En tout cas Jallie, je ne sais pas comment elle faisait léviter ce poisson. Sur ce point on est tous les trois perdus, je crois bien."
-"Oui, je crois aussi", plussoya Jallie, le sourcil arqué.
Plus tard, les compagnons arrivèrent près de la maison en question.
-"Et bien enfin on y est. Ca fait du bien!" dit Joll.
-"J'ai bien aimé le voyage moi", pensa Jallie à voix haute.
-"Haha, t'as le coeur de l'aventure, Jallie! Tu nous as bien trouvés!"
-"Oui, ça c'est vrai."
-"Quel trio on fait!" surenchérit Dellas.
Joll frappa à la porte. Personne ne répondit. Il refrappa. Encore rien.
-"Faut croire qu'ils ont bougés..." dit Joll.
-"Peut-être que les vieux se reposent. Tape plus fort", conseilla Dellas.
Joll frappa un peu plus fort. Encore rien.
-"C'est tout ce que tu sais faire? Je suis vraiment déçu..." se moqua faussement le fils unique aux cheveux châtains.
Joll cogna la porte.
-"Horia? Sebé?!" hurla-t-il.
Il ouvrit alors, malgré tout. Il n'y avait personne. Les trois compagnons, précédés par Joll, allèrent alors dans la salle, à coté. C'était la cuisine. Jallie aperçut les casseroles et tous les ustensiles de cuisines, propres comme un sou neuf. En ouvrant la porte de la chambre Joll fut surpris et referma cette porte sans que Dellas et Jallie ne puissent voir ce qu'il y avait.
-"Quoi ils sont dans l'intimité à leur âge?" s'amusa son fils.
-"Jallie..." commença Joll avec son air sérieux."Va nous attendre devant s'il te plait."
Jallie considèra Joll avec un drôle d'air, ne sachant que dire, se demandant ce qui se passait. Elle comprit alors que ce n'était pas vraiment une question. Elle sortit et alla attendre devant la porte en vieux bois de la maison des Balno.
-"Qu'est-ce qu'il y a?" demanda Dellas, inquiet. Il avait tenté de murmurer, mais il parla presque à voix haute, effet secondaire d'un stress montant pour une raison inconnue.
-"Regarde de toi-même", lança Joll en rouvrant la porte.
Dellas vit alors un spectacle des plus inoubliables. Les corps d'Horia et Sebé était éparpillés dans la pièces. De nombreux morceaux manquaient, comme si on les avait arrachés. Il y avait des marres de sang partout, même sur les murs, et un peu sur le plafond, assez bas, de la chambre. Les deux têtes étaient posée, droite, sur le lit, orné d'une couverture verte repeinte de rouge. Le visage aux cheveux blancs et manquants et à grosse barbe blanche de Sebé avait les deux yeux fermés. Le visage effrayé d'Horia, à gauche, avait les yeux grands ouverts, la mâchoire serrée. Les cheveux longs et grisonants de la vieille harnassienne était à moitié rouges de sang.
-"Je pense qu'Horia a tenté de se défendre. Sebé n'a probablement rien vu venir", analysa Joll en s'approchant des deux têtes.
-"Je le crois pas... Mais qu'est-ce qui a pu leur faire ça?"
-"Je n'en ai aucune idée. On va les enterrer et on repart."
-"Et si les responsables étaient encore dans le coin?"
-"Tant mieux on s'occupera d'eux."
Dellas se doutait bien que son père était déterminé, et ne broncha pas le moins du monde, repoussant sa peur grandissante.
-"Comment on fait pour Jallie?"
-"Simple, on enveloppe les restes de leurs corps dans la couverture du lit, et on les enterres comme ça. Ils s'aimaient profondément, on va les enterrer ensembles."
-"Si on retrouve maman, tu voudras que je vous enterre ensemble aussi quand vous serez morts?"
-"Bien sûr. Aller aide-moi."
La porte de la maison s'ouvrit tout à coup derrière Jallie, qui fit un pas de recul. Joll et Dellas apparurent alors, Joll tenait un gros sac vert clair. L'intérieur de la couverture. Quelques larges tâches de sang étaient visibles malgré tout. Les mains des deux hommes étaient mouillés, pas une trace de sang n'était visible. La maîtrise de l'eau de Joll, sans doute.
-"Ce sont eux, je suppose?" devina Jallie en grimaçant.
-"Oui. C'était pas beau à voir. Je préférais que tu n'y assiste pas."
-"Merci pour cette attention."
-"On va les enterrer, tu vas nous aider à creuser?" demanda Dellas.
-"Oui oui, évidemment", assura Jallie en acquiesçant de la tête.
-"Alors va prendre trois pelles derrière la maison, dans le jardin. Ils doivent sûrement en avoir", dit Joll.
-"Oui", infirma Jallie avant de s'exécuter.
Les deux autres allèrent un peu plus loin, s'écartant de la route, derrière la maison, et Joll posa le sac. Jallie revint un instant après en sortant du jardin par les barrières en bois.
-"Il n'y en avait que deux."
-"Ils auraient pu en prévoir une troisième, au cas où", soupira le quarantenaire. "Bon, moi et Dellas on commence et à la moitié, vous échangez."
*****
-"Vivement l'île de Gesil", dit Dellas, à bord du bateau en pleine mer."En espérant qu'ils soient tous en vie là-bas."
-"Il vaudrait mieux."
-"Vous ne croyez pas que ceux qui ont fait ça ont pu... Enfin Ornael..." commença maladroitement Jallie.
-"Sûrement pas. S'en prendre à deux petits vieux, c'est facile, s'en prendre à elle, c'est tout autre chose. Et puis eux c'est très récent. Pas sa disparition à elle", argua Joll.
-"Vous croyez que c'est un coup du Bar Thanos? Ce type tue pour un rien, comme si il détestait tout le monde!" s'excita Dellas."Et il venait peut-être de cette archipel!"
-"Je n'en sais rien. Je ne pense pas trop", le calma Joll."Bon, dormons et ça ira mieux. Je te laisse la barre Dellas."
-"D'acc, capitaine."
Quand plus tard, Joll avait la barre, et que Dellas dormait, il regardait Jallie. C'était encore la nuit, mais Joll avait gardée la même direction. Il coinça la barre, et toucha Jallie, avec plusieurs petits coups de doigt. Elle se réveilla et Joll sourit nerveusement.
-"Qu'y a-t-il?" balbutia la jeune fille un peu assomée.
-"Tu veux apprendre à maîtriser ton élément?"
-"Oh que oui! Tu vas m'apprendre?"
-"Héhé, pourquoi pas, tant qu'on y est. Et puis ça vaut mieux que rester là à broyer du noir. Bon, d'abords, tu dois apprendre à sentir ta maul vitarri."
-"C'est fait. J'arrive à la sentir. Je me suis entrainée pendant les voyages, et à l'auberge. Regarde", dit la jeune fille, avant de se mordre le poignet.
Une goutte de sang s'échappa. Jallie se concentra sur la petite ouverture, et au bout de quelques secondes, elle était refermée.
-"Ouah! Non seulement tu ressens ta maul vitarri, mais tu as déjà appris à la booster! Et tu as des capacités de récuperation très bonnes! C'est excellent."
-"Merci", rougit nerveusement l'apprentie.
-"Maintenant tu dois essayer de sentir à nouveau ce que tu as ressentis quand tu as mit la glace sur ta poitrine. Concentre-toi sur la glace. Tu dois l'imaginer se former où tu veux la faire apparaître si tu veux parvenir à le faire."
Jallie ferma les yeux.
-"Non, rouvre les yeux Jallie. Tu dois la prévisualiser là où tu la veux, comme si elle y était déjà."
L"adolescente se concentra sur le creux de sa main droite qu'elle tendait devant elle. Elle ressentait quelque chose, mais rien n'apparut. Elle repensa alors à la fois où Joll lui avait donné le morceau de glace. Cette sensation agréable et chaude, presque maternelle. Elle ressentit un air frais sur sa main, et quelques secondes plus tard, une glace en forme de cristal en losange apparut au-dessus du creux de sa main. Ce cristal de glace faisait environ 10 centimètres de haut.
-"Super!" s'exclama Joll, impressioné.
Jallie rit bruyamment et franchement. Sur ce bruit contrastant avec le silence nuptial, Dellas se réveilla. Le jour commençait à peine à percer.
-"Hè, fiston. Regarde ce que Jallie a appris à faire."
Jallie refit apparaitre la même glace, en légèrement plus petite.
"Elle a le même niveau que toi en magie!"
-"Normal puisque ce n'est pas ma spécialité du tout."
-"Je pense que si tu veux être fort, tu dois savoir te sortir de toutes les situations, être polyvalent", commenta Jallie.
-"Exactement", plussoya fiérement le quadragénaire.
-"Si tu perds ton arc et tes dagues par on ne sait quel moyen, comment tu t'en sortiras?" démontra la jeune fille l'air assuré, contente de ses capacités de débutante.
-"C'est justement pour cela que je m'entraine à main nue avec mon père!"
-"Le main nue ne suffira pas toujours."
-"Ca ça dépend du niveau. Mais de manière générale c'est vrai", accorda Joll.
-"C'est sûr qu'avec ton niveau c'est confortable", dit Dellas.
-"Pas faux."
-"En tout cas nos éléments sont contraires", remarqua Jallie.
-"Oui", acquiesça Dellas.
-"Quel est l'élément opposé à l'eau, Joll?"
-"La foudre. Les pairs d'éléments sont les suivantes: feu et glace, eau et foudre, terre et air, lumière et obscurité. Le chaos et seul, bien évidemment."
-"Ca doit vraiment être rare puissant", dit Jallie, le visage rêveur.
-"Oui, j'ai déjà vu un élémentaire de chaos. C'était un kallato, et mieux valait éviter de se frotter à lui", raconta Joll.
-"Qui était-ce?" interrogea Jallie.
-"Un chasseur de prime."
-"Et comment tu l'as connu?"
-"Il y avait une prime sur ma tête. Et elle existe toujours je crois bien. J'ai eu quelques ennuis à Puhud", éluda étrangement le père de famille.
-"C'est pas vraiment ton genre d'obéir et d'accepter d'avoir des supérieurs", remarqua Dellas, qui était allongé les bras croisés derrière la tête.
-"Le tiens non plus non? Remercie-moi!"
-"Bien sûr, voyons!"
-"Et comment lui as-tu échappé?" demanda Jallie.
-"Echappé? Je l'ai battu, tout simplement!"
-"Tu n'as pas vraiment compris. Papa est quelqu'un de très fort, tu trouveras rarement un combattant comme lui, Jallie!"
-"Je ne savais pas. Vu comme on a eu du mal avec le sada hamere, je me suis dit..."
-"Un sada hamere est puissant et très rare. N'importe qui aurait eu du mal, tu sais!" justifia Joll.
-"Je me sens en sécurité d'un coup!" s'exalta l'adolescente blonde avec un grand sourire idiot.
-"<<Echapper>>, non mais sérieux..." rouspeta Joll.
Jallie sourit, l'air gêné, en se grattant l'arrière du crâne. Elle se demandait alors ce qui avait bien pu arriver à l'ami de Joll. Ce dernier était un homme fort, le souvenir devait donc être très douloureux. Qu'est-ce qui pourrait autant blesser un homme comme Joll? Mystère. Et maintenant sa femme avait disparue."Les mauvaises choses n'arrivent jamais au gens de bien, dit-on. C'est absolument faux", cogita la jeune fille.
Arrivés à l'île de Gesil, Jallie aperçut du sable blanc et du relief verdâtre. C'était un endroit vierge, personne à l'horizon.
-"Il n'y a personne", pensa la jeune fille à voix haute.
-"Cette île est peu peuplée. La grande majorité des habitants sont au village, au nord-ouest de l'île. A l'opposé, quoi", commenta Dellas.
-"Comment s'appelle la fille de feu ton ami, Joll? J'ai oublié" s'excusa Jallie, en observant la réaction de l'homme, qui fronça les yeux.
-"Dyûl Leonarde, fille de Frennks. Une harnassienne, comme lui et sa mère, qui est morte à sa naissance. Elle a la peau assez blanche et très rayonnante, des longs cheveux bleu foncé. C'est une jeune fille de 22 ans comme je te l'ai dit l'autre jour, très chaleureuse."
-"C'est quoi son élément à elle?" se renseigna la très jeune adulte pendant que Dellas plantait le piquet du bateau dans le sable avoisinant.
-"La lumière. Rien d'étonnant."
-"Au fait, je me demandais, est-ce que l'élément a un rapport avec le caractère?" interrogea alors la jeune blonde, curieuse.
-"Non. Tu n'es pas glaciale, n'est-ce pas? Cela dit certains disent qu'une personne d'élément obscurité ne sera jamais totalement bonne, et inversement. Mais bon..."
Les trois compagnons marchèrent alors vers le vert de l'herbe de l'île. Une brise souffla sur la joue de Jallie, qui trouvait cette sensation agréable. Elle n'en avait vraiment pas l'habitude, ayant passé sa vie en intérieur la plupart de son temps. Le vent du large était libérant. Elle entendit un petit bruit, semblable à un crapeau, mais ne vit rien aux alentours. Dellas regardait un peu partout, l'air bêta, tandis que son géniteur fixait le sol, en pleine réflexion. Quelques secondes plus tard, il leva les yeux et les tournèrent sur sa gauche, droit dans ceux de Jallie.
"Tu sais, quand on aura retrouvé Ornael, elle pourra t'apprendre à maîtriser la glace, c'est aussi son élément. Et elle a un pouvoir hors du commun!"
-"Ah bon? Tant que cela?" répliqua la jeune fille, surprise de cette annonce.
-"Oui, j'aimerais pas avoir affaire à elle!" intervint Dellas."Elle sait faire des choses incroyables avec le givre!"
-"J'aimerais vraiment voir ça... Vraiment", murmura presque Jallie."Ouahw!"
Elle venait de voir la nature changer de couleur. Derrière eux, tout était vert, devant tout était bleu et violet. Il y avait de grosses plantes ouvertes, des arbres très feuillus. C'était magnifique. Cette île parassait presque enchanté. Un paysage dans la moyenne de ceux de Salfia était un spectacle réel pour la jeune fille de couvent. Jallie regardait un peu partout, et vit alors un petit oisillon prendre envol près d'un groupe d'oiseaux bleus. Tel une fille qui sort du couvent, cet oisillon allait pouvoir découvrir le monde de ses propres yeux, et se nourrir seul. Jallie aurait aimé pouvoir voler. Mais elle se dit qu'elle avait d'autres compétences, tout aussi importantes. Le professeur allait peut-être lui expliquer ce que sa queue signifiait. Pleine de questions dans la tête, Jallie regardait la magie de la nature s'opérer.
-"C'est beau, hein?" commenta Joll."Ca surprend toujours la première fois, et il y a plein d'endroits tout aussi merveilleux dans Salfia. Tu as fait le bon choix en quittant le couvent."
-"Oui..."
Jallie était déjà fascinée par une sorte de singe qui sautait d'arbre en arbre... juste avec sa queue! Il l'enroulait autour des branches pour se balancer. Elle remarqua alors que sa queue était semblable à celle qui poussait au bas de son dos. Même épaisseur, mêmes poils, ou presque. Etait-elle l'enfant d'une humaine et d'un de ces singes? Drôle d'idée. Mais qui savait....
A few hours later, le groupe sortait de cette forêt. L'herbe au sol était toujours d'un bleu splendide, mais le ciel était ouvert, et les trois compagnons marchaient sur de la roche. Ils étaient visiblement en hauteur. Joll aperçut la route plus loin à droite. Cette route partait devant eux, mais aussi vers l'est, dont les rives non loin en contrebas.
-"Voilà la route, elle mène d'un coté aux champs de légumes, de l'autre au village. Des gens habitent et travaillent aux champs, mais inutile de s'y attarder. Continuons tout droit", mena Joll.
-"Tu es sûr que c'est par là?" dit Dellas.
-"Bien sûr, pourquoi cette question?"
-"J'sais pas. Pas l'impression d'être venu ici. Ma mémoire me joue des tours..."
-"J'espère bien", réagit Jallie.
-"Mais oui, ne t'inquiète pas", rassura Joll.
Avançant entre deux piques de roche, les compagnons aperçurent bientôt le village en contrebas. Il se situait après une descente, qui partait sur la gauche. Pour y accèder, il fallait descendre par là, puis faire demi-tour à gauche pour aller au village, qui était blottit contre la fallaise. Mais un homme apparut alors devant le groupe d'amis.
-"Qui êtes-vous étrangers? Et qu'êtes vous venus chercher ici, sur la belle île de Gesil?"
-"Nous venons voir des amis", répondit calmement Joll.
Ce calme n'était pas vraiment partagé par ses deux compagnons, non sans raison. En effet l'individu se tenait droit face à eux, et n'avait pas l'air de vouloir les laisser poursuivre paisiblement leur chemin.
-"Je ne vous ai jamais vu ici. En tout cas vous ne pourrez pas passer de cette manière."
-"Et aller... qu'est-ce qui va nous arriver encore", râla Dellas.
-"Quel est le plus fort d'entre vous?" demanda l'humain, sûr de lui.
L'homme était blond platine, les cheveux courts, moins de trente ans. Il avait des habit bleus, et des bouts d'armure de cuir recouvraient ses avant-bras et dos de mains. Jallie admirait sa confiance en soi, ainsi que sa façon de se tenir droit, tel un gardien.
-"Pourquoi, qu'est-ce tu lui veux?" lança Dellas avec agacement.
-"C'est lui", dit Jallie en désignant Joll d'un mouvement de tête.
Ce dernier regardait l'individu sans dire un mot. Il lança un regard neutre à son amie, et fixa à nouveau l'homme.
-"Bien, je suis Zacri Felenas. Si tu me bats, vous pourrez passer. En garde, combattant! Car rares sont ceux qui sont capables de rivaliser avec l'inarrêtable Zacri Felenas!" se venta l'homme en écartant les mains de son corps.
-"Rares? Pas étonnant, tu vis sur une petite île en marge de Salfia. Mais bon puisque tu le désires, je vais donc affronter l'inarrêtable Zacri Felenas!" répéta non sans un air incrédul Joll, en se mettant en garde.
La garde de du quadragénaire était polyvalente, il avait les poings non loin de son corps et écartés, mais prêts à se ramener. Ses jambes étaient bien écartés sans trop l'être. C'était une position stable. Zacri se mit à son tour en garde. Une garde plus classique, un poing en bas dont l'épaule protégeait le visage, l'autre poing gardait l'autre coté du visage, les jambes peu écartés. Les gardes basses avaient beaucoup de défauts, selon Joll. Jallie remarqua alors la musculature de Zacri. Il était bien athlétique, mais nettement moins costaud que Joll. Cela la mit inconsciement en confiance.
-"On va avoir droit à un duel de dlarito à main nue, pas mal comme spectacle", se dit Dellas en la regardant, l'air enjoué, au bout du compte.
Joll fonça alors sur son adversaire, mais sans bouger les jambes. Il avait comme glisser sur un mince filet d'eau. Il frappa alors d'un crochet droit au visage de Zacri, qui bloqua de son poing gauche, avant de frapper avec celui-ci, mais joll attrapa ce bras tendu, pour faire passer son adversaire par-dessus lui et le jeter au sol. Zacri se releva immédiatement mais Joll avait gardé son bras d'une poigne de fer que lui seul possédait. Il lui fit manger l'intérieur de son coude, ce qui mit Zacri au sol. Ce dernier balaya alors Joll avec sa jambe, mais Joll se rattrapa à une main et lui mit une frappe au visage du pied, puis se remit sur ses appuis et tira Zacri pour lui infliger une frappe du poing colossale, qui envoya l'homme arrogant plusieurs mètres plus loin.
-"Je vois, un dur. Je sais comment les mater les gars dans ton genre!"
Zacri Felenas fonça alors à son tour sur Joll, en glisant sur de l'air. Joll comprit alors que le vent était son élément de prédilection. L'homme frappa vers Joll un peu avant de l'atteindre, mais déclencha une boule de vent qui frappa son adversaire de plein fouet, et le mit à son tour au sol. Zacri enchaîna avec un coup de pied circulaire qui envoya une rafale sur Joll. Mais cette fois, le combattant expérimenté tenait fort sa position, très stable. Les jambes comme plantés dans le sol, Joll mit son épaule gauche et son bras en barrage. La rafale le repoussa un peu, sans plus. Zacri sauta alors et frappa du poing en envoyant une grosse boule de rafale sur son opposant. Ce dernier se toucha un tatouage et lança un sceau.
-"Portail entrée et sortie!"
Un étroit portail apparut devant Joll et la rafale le traversa pour réaparraitre dans le portail de sortie, qui se situait derrière Zacri, frappé de dos par sa propre attaque.
-"Ah, espèce de tricheur, tu vas voir!"
-"Mais oui..."
Les deux hommes foncèrent l'un sur l'autre et se frappèrent tous deux au visage d'un coup de poing assomant.
-"Tu vois ce qu'il font pour se déplacer, Jallie?" dit Dellas, sans la regarder."Ils utilisent leur élément pour glisser, c'est plus pratique pour se déplacer en combat."
-"Et toi tu sais le faire?"
-"Non. Mais c'est une technique très répandue."
Les deux adversaires reculèrent d'un grand saut, avant que Joll ne frappe dans le vide vers Zacri, lui envoya un fouet d'eau. Zacri saigna alors du haut du torse.
-"Tu es très bon, mais tu n'as pas le niveau pour ce combat. Laisse tomber", conseilla vivement Joll avec un calme étonnant, pour quelqu'un qui combat.
-"Un vrai combattant n'abandonne jamais!" le réprimanda Zacri.
-"Haha, bien..."
Zacri fonça en glissant sur Joll, tenta de le frapper d'un crochet gauche, mais Joll esquiva sur la gauche de son adversaire, et se retrouva derrière lui. Zacri frappa d'un coup de pied de mule arrière, que Joll évita de peu avant de saisir sa jambe pour tourner et le jeter plus loin. Zacri se releva vite, quand Joll lui envoyant d'un geste de la main frontal une flaque d'eau au visage, ce qui aveugla momentanément le combattant gesiliais. Joll frappa immédiatement d'un coup de genou sauté au menton, et raterrit en frappant d'un coup de coude vertical descendant. Zacri frappa alors le ventre de Joll, qui répliqua en envoyant une volée de coups rapides. Il continua de frapper très vite, de plus en plus vite en tournant autour de son adversaire.
-"Ca c'est sa spécialité", fit remarquer Dellas à sa jeune amie.
L'homme d'expérience s'arrêta quelques secondes plus tard, et prépara un gros coup pendant que son adversaire titubait. Il frappa alors d'un coup de poing droit dans le ventre de Zacri. Mais la puissance était encore plus décuplée que cela. Jallie cru voir les yeux de Joll rougir fortement pendant une seconde. Zacri tomba alors au sol. Il resta une seconde sans bouger, puis s'apprêta à se relever, quand Joll se plaça au-dessus de lui le poing prêt à frapper.
-"Tu as gagné", dû admettre l'homme vaincu."Je vais vous emmener au village."
-"Inutile, on sait où aller", le tança Joll en relevant son adversaire.
-"Je dois rentrer de toute façon. Je vais aller voir la daffilesto du village, qu'elle m'arrange ces vilaines blessures."
-"Il fallait pas me chercher", plaisanta à moitié Joll en souriant.
-"Chaque combat apprend des choses. C'est en perdant que l'on progresse."
-"Bien dit!" s'exclama Joll, rejoint par ses deux compagnons."Moi c'est Joll Gomfore. Je te présente mon fils, Dellas, et Jallie, notre amie."
-"Enchanté, ton père cogne fort tu sais."
-"Oui je suis au courant", dit Dellas en ricanant.
-"Mais dis-moi, Joll, quel était ce pouvoir que tu as utilisé pour me mettre au tapis? Tes yeux se sont illuminés d'un rouge unique en son genre, et cette frappe est alors devenue plus forte que les autres, nettement."
-"C'est bien ce que j'ai vu!" s'excita Jallie en regardant son grand ami, enfin son ami de grande taille avec une terminalogie différente.
-"La fureur d'Adeka. Lorsqu'on l'utilise, les yeux deviennent rouges, un rouge reconnaissable entre mille. Cela rend plus fort et un peu plus rapide. Mais c'est très fatiguant, je ne peux pas faire ça souvent."
-"La fureur d'Adeka, j'ai déjà entendu parler de ce pouvoir", se souvint Zacri alors que le groupe descendait vers le village."On dit que ce pouvoir n'est possédé que par cinq personnes en même temps, il n'y a que lorsque l'un d'entre eux meurt, que ce pouvoir peut être obtenu par quelqu'un d'autre. On dit aussi que pour l'obtenir il faut faire un grand sacrifice."
-"C'est vrai", éluda Joll, en tournant à gauche vers le village.
-"Alors dites-moi, qui êtes-vous venu voir à Gesil?"
-"Dyûl Leonarde", répondit Jallie.
-"Aaaah, ça tombe bien c'est elle que je vais voir pour me guérir! Allons-y elle habite sur la droite, là-bas."
Zacri désigna une maison de pierre, comme toutes les autres, et recouverte de plantes grimpantes, bleues. Les fenêtres étaient ouvertes, visiblement Dyûl devait s'y trouver.
-"On sait. On est déjà venu", lui dit Joll.
Les quatres personnages arrivèrent alors devant la porte de la maison. Zacri frappa à la porte quatre fois. Des bruits de pas se firent alors entendre, comme quelqu'un qui descend des marches. La porte s'ouvrit alors sur une harnassienne aux cheveux bleu foncé. Celle-ci ouvrit de grands yeux à la vue de ses inattendus invités. Elle avait des yeux bleu foncé aussi, qui étaient profonds.
-"Joll! Dellas!" s'écria-t-elle si fort qu'elle aurait pu réveiller le village entier si c'était la nuit, avant de prendre Joll, puis Dellas dans ses bras."Cela faisait si longtemps! Je ne m'attendais pas du tout à vous voir! Entrez tous!"
La jeune harnassienne s'écarta en leur faisant un ample signe du bras. Les quatres personnages répondirent positivement à cette invitation bienveillante. Jallie remarqua alors une trappe encore ouverte, menant certainement au sous-sol, où devait être Dyûl à leur arrivée. Cette maison était très bien rangée. Dyûl parassait être une femelle très ordonnée. Ses vêtements eux-mêmes étaient impeccables. Elle portait une robe noire, avec de nombreux traits verts, qui formaient des petits cercles. Jallie la trouvait ravissante, pas forcément par la symétrie de ses traits de visage, mais par sa présentation parfaitement soignée, plus encore que Tilia l'était. L'harnassienne ne tarda pas à voir les blessures de Zacri.
-"Qu'est-ce qui t'es arrivé, encore?"
-"J'ai défié quelqu'un et j'ai perdu", expliqua brèvement l'homme en baissant la tête, mais en souriant légèrement de sa petite bêtise.
Dyûl le regarda alors avant de tourner son regard vers Joll, pour enfin revenir à son ami.
-"Pitié, ne me dis pas que tu as défié Joll..."
-"Si. Mais je savais pas que c'était ton ami, hein."
-"Tu ne lui as même pas demander!"
-"Comment tu as deviné?" demanda Dellas, intrigué par la clairvoyance dont faisait preuve son hôte.
-"Je le connait par coeur. Depuis que l'on est tout petits. Mais il part souvent à l'aventure pour perfectionner ses aptitudes. C'est pour cette raison qu'il n'était jamais là quand vous veniez. Le fruit du hasard. Bon, laisse-moi m'occuper de tes blessures."
C'est alors que Jallie assista pour la première fois à la guérison provulguée par une daffilesto. Dyûl entra en transe, ce qui eu pour effet de la faire léviter un peu au-dessus du sol de pierre. Son menton se leva et ses yeux blanchirent complêtement, tandis qu'une aura translucide l'entourait de près. Jallie vu alors les blessures de Zacri disparaître petit à petit. D'abord la petite ouverture au-dessous du cou, puis les petites entailles au visage, puis un petit instant après, le gros bleu au niveau du ventre. Jallie ne vit pas ce bleu disparaitre bien sûr, car les vêtements du combattant le couvraient, mais elle le devina. Toutes les blessures apparentes étaient guéris alors que Dyûl continuait son processus. De plus la frappe finale de Joll sur le ventre de Zacri était de loin la plus dévastatrice. Moins d'une minute plus tard, Dyûl se déposa au sol et reprit "conscience".
-"Tu n'y es pas allé de main morte, Joll", regretta-t-elle en le regardant avec un petit sourire, mais sur le ton de la reproche.
-"Il veut apprendre en pratiquant, on a pratiqué."
Dyûl regarda alors Zacri en secouant la tête horizontalement, avec une pointe de sourire. Elle se tourna alors vers Jallie, qu'elle avait bien évidemment remarquée depuis son entrée dans la maison.
-"Et qui est cette mignonne petite fille?" demanda joyeusement Dyûl en approchant son visage pour observer la jeune blonde.
-"Jallie. On l'a rencontré sur la route, dans la forêt de Bafalsa. On l'a donc prise avec nous. Elle n'a personne et veut visiter le monde", répondit simplement Joll en regardant les murs de la maison.
-"Laisse-moi deviner", commença l'harnassienne en souriant bouche ouverte,"elle s'est échappée du couvent de Bafalsa, exactement comme Ornael?" continua-t-elle en se retournant, regardant Joll avec un sourire exihbant à la fois la joie, la compassion, et l'amour.
-"Bien vu. C'est d'ailleurs pour elle que je suis là."
-"Qu'y a-t-il?"
-"Il y a plusieurs mois, elle est partie vous rendre visite. Depuis aucun signe."
-"Je..." balbutia Dyûl, comprenant la situation, surtout en sachant la réponse qu'elle allait donner."Ornael n'est jamais venu ici."
-"Eh merde!" tempêta Joll, en tapant du poing dans le vide d'un geste de colère.
L'homme avait la tête baissée et les yeux fermés. Il serrait les dents. Bientôt une main vint se poser délicatement sur son épaule.
-"T'inquiète pas. Tu l'as dit toi-même", dit doucement Dellas pour le rassurer,"elle est forte. Elle a dû avoir une affaire urgente à régler, et elle est quelque part."
-"Et quelle affaire urgente elle aurait pu avoir, d'après toi?" maugréa Joll en se retournant vers son fils, la colère dans les yeux.
Jallie comprit tout de suite qu'elle devait se taire, ne rien tenter pour Joll.
-"Je sais pas. Peut-être qu'elle a retrouvés ses parents qui sait. Ou alors elle a besoin de rester seule un moment, tu connais les femelles."
Dellas avait une expression neutre, il savait comment réagir quand son père était dans ce genre d'état: sans sourire, sans s'énerver, rester tout à fait neutre.
-"Mais ouais, rêve toujours."
-"Joll", intervint Dyûl."J'ai decidé de partir pour l'Ornance. Le sud de l'Ornance. Vous pourriez venir avec nous, et peut-être qu'en voyagant on apprendra quelque chose sur Ornael. C'est probable!" annonça l'harnassienne en souriant.
-"Ouais. Peut-être. On en reparlera plus tard. Je vais sur la plage, seul."
Sur ces mots, Joll quitta la maison.
-"Tu vois, Jallie, y a que elle qui peut le raisonner en souriant comme ça", dit Dellas pour soulager l'atmosphère.
-"Oui je constate. T'as l'air de bien savoir réagir, toi aussi."
-"Il est pas facile quand ça touche à ma mère. Ou à Frennks."
-"Bon. Faites comme chez vous. Tu viens, Jallie? Je vais te faire une visite-guidée du village et t'en présenter les habitants, puisque l'on a du temps libre", proposa Dyûl.
Sa voix était très agréable, comme son sourire. Joll n'avait pas menti, cette harnassienne était vraiment chaleureuse à souhait.
-"Oui, allons-y."
Les deux nouvelles connaissances sortirent de la maison de Dyûl, et se dirigèrent immédiatement dans la suivante.
-"Ici, c'est la maison de Hans. C'est le cuisinier. Il fait de très bons repas, des spécialités des îles. Allons le voir, je vais vous présenter."
-"Volontiers."
Elles entrèrent dans une maison de pierre plus grande. Le sol était fait d'un bois foncé qui craquait comme du pain. Un petit être cornu se retourna vers ses deux hôtes.
-"Dyûl! Qui m'amènes-tu là?!"
-"Jallie, je te présente Hans. Hans, voici Jallie, c'est une amie des Gomfore, qui sont arrivés il y a peu."
-"Oui, je les ai vu", affirma le petit être carré avec sa voix de bariton.
-"C'est une autre race de Salfia", hésita Jallie afin de ne pas vexer l'étrange créature cornue.
-"Tu n'as jamais vu de bobairos, petite?"
-"Jallie vient d'un couvent, elle n'en a apparemment pas eu l'occasion. Tu vois, les bobairos sont des êtres plus petits à la peau orangée, comme Hans. Ils ont aussi des cornes qui peuvent être noires ou blanches, et de formes distinctes. Ils sont généralement très accueillant."
-"Notre peuple est un peuple bon, si tu te perds et que tu vois un bobairos, n'hésite pas à lui demander de l'aide. Nous sommes toujours prêts à rendre service à nos prochains", confirma Hans, en exécutant de nombreux hochements verticaux avec sa tête.
-"Enchanté", dit Jallie en tendant sa main, poing fermé, paume vers le bas. Hans le bobairos complêta ce salut de sa petite main gonflée.
-"Eh bien, ma petite, nous fera-tu la joie de manger à nos côtés ce soir?"
-"Le banquet du soir est un moment où tout le village se réunit, même ceux des alentours qui travaillent dans les champs. Malheureusement nous partirons avant cela", se désola alors Dyûl en se tournant vers Hans.
Les cheveux bleus bouclés de l'harnassienne bougaient avec les rotations de son cou frêle.
-"Elle va venir avec vous?"
-"Je pense. Elle suit les Gomfore, et je suis presque sûre qu'ils viendront avec nous."
-"Ba! Cela vous fera plus de bras, c'est au meilleur!"
-"Je crois que l'on dit <<c'est au mieux>>", reprit Jallie avec un petit sourire sympathisant.
-"La façon de parler des bobairos", lu dit alors Dyûl."Bon, nous allons te laisser vacquer à tes occupations, Hans."
-"C'était un plaisir. Et surtout n'oubliez pas de me dire au revoir avant de partir de l'île, sinon tu auras affaire à moi ma petite", plaisanta Hans à Dyûl en lui faisant un clin d'oeil, qu'elle rendit aussitôt.
Elles sortirent alors de la maison du cuisinier. Et se dirigèrent vers celle d'à-coté.
-"Celle-ci est celle d"
-"Oh bonjour, Dyûl", coupa un harnassien blond en sortant de cette maison.
-"Bonjour. Jallie, voici Venas, Venas, Jallie", officia Dyûl en les désignant l'un à l'autre de ses bras.
-"Enchanté", dirent les deux présentés, avant de se saluer avec le salut salfien habituel.
-"Continuons", dit Dyûl en faisant signe à Jallie d'avancer."Ca, c'est la tente de notre cher Zacri", continua-t-elle en regardant la tente bleu marine devant laquelle elles passaient alors.
-"Ah. Il est vraiment guerrier jusqu'au bout", remarqua Jallie.
Dyûl éclata de rire. Elle regarda alors Jallie avec une lueur d'amitié forte dans les pupilles. Elles avancèrent encore, puis tournèrent un peu pour suivre la courbe du village et atterir devant une autre maison, de taille moyenne.
-"Ici habite Juno, un jeune harnassien un peu timide. Ici, c'est la maison de Berri, un humain qui n'a pas sa langue dans sa poche. Ici celle de Pequia. Ici cette maison de bois clair, c'est celle de notre scientifique le professeur Malyen. Il étudie la faune et les races humanoïdes de Salfia. Il"
-"Je dois le voir!" coupa soudainement Jallie."Si c'est possible", dit-elle alors en baissant d'un ton.
-"Pas de problème", rassura Dyûl avec un air surpris avant de frapper à la porte.
-"J'arrive!" cria une voix clair visiblement pressée. Après quelques bruits de bricoles, un harnassien brun d'environ quarante ans ouvra la porte de la maison. Celle-ci était en longueur, vaste. Une maison de professeur."Ah, Dyûl, que puis-je faire pour toi en cette glorieuse journée?"
-"Euh... C'est de l'ironie? Ou alors tu as fait une découverte?"
-"Oui! Apparemment il y aurait des traces d'anciennes civilisations. Et si tu veux mon avis, elles n'ont pas entièrement disparus!", expliqua le professeur en mettant la main aux cotés de sa bouche comme pour faire une confidence."Elles doivent être dans les terres inconnues. Peut-être que nos ancêtres les y ont chassés!"
-"Il y a des terres inconnues?" demanda Jallie, curieuse de savoir d'où venaient les certitudes de l'harnassien.
-"Bien sûr, jeune fille. Nous n'avons pas encore découvert l'intégralité de notre monde. J'en suis convaincu, tout du moins. Mais dis-moi, Dyûl", continua-t-il en se tournant vers sa voisine,"qui est ta jeune amie ici-présente?"
-"Voici Jallie, c'est une amie des Gomfore. Jallie, voici le professeur Malyen."
-"Ah, une amie de ce cher Joll! Hmmm tu sais que cet homme m'a une fois permis d'ouvrir les yeux sur une de mes recherches?" lui raconta joyeusement l'harnassien.
-"Ah bon?"
-"Oui, la réponse était sous mon petit nez crochu, et grâce à lui je l'ai vue!"
Jallie rit sur cette autodérision. Le nez du professeur était assez petit et crochu, c'était vrai.
-"Eh bien, entrez-donc, mesdemoiselles! Et pensez à vous essuyer les pieds sur le paillason!"
-"Il aime la propreté", murmura Dyûl en passant la première le seuil de la porte pour frotter ses chaussures de cuir noir.
Jallie fit de même et le professeur Malyen les attendait devant un livre ouvert, indubitablement très ancien.
-"Jallie aimerait te poser des questions. Elle vient d'un couvent, alors elle en a probablement plus d'une qui lui brûle la langue", clarifia Dyûl en souriant vers Jallie.
Cette harnassienne était plutôt grande, même pour une adulte. Jallie n'aimait pas être dominé, elle se rassurait en se disant que plus tard elle serait grande elle aussi.
-"Je t'en prie, Jallie" répliqua alors le professeur.
-"J'aimerais savoir, quand deux personnes de races différentes ont un enfant, comment est-il?"
-"Eh bien il est d'une race ou de l'autre, tout simplement. Les chances sont relativement égales, quoique les bobairos ont des probabilités inférieurs aux autres races, il semblerait."
-"Oui mais est-ce possible qu'un enfant ait les caracteristiques d'une race et de l'autre réunies?"
-"Mmmhhh... Pour l'instant rien n'indique que cela ne soit arrivé... Mais pourquoi pas, après tout... Je pense que c'est tout de même possible, quoiqu'improbable. Très improbable."
Dyûl regarda Jallie d'un oeil méfiant. Elle se doutait de quelque chose. Jallie était évidemment déçue de cette réponse imprécise, qui ne l'anvançait pas plus.
-"Bon, c'était ma seule question, merci à vous professeur Malyen", trancha alors Jallie en lui adressant un signe de la tête avant de sortir, suivit de près par Dyûl, ayant salué aussi son compair.
-"Eh! attends une seconde s'il te plaît."
-"Qu'y a-t-il, Dyûl?" demanda la jeune fille.
L'harnassienne à la chevelure bleu foncé entra en transe. Elle décolla du sol et ses yeux brillaient, une fois de plus. Elle se reposa alors au bout de quelques secondes.
-"J'aurais dû m'en douter."
-"Quoi?"
-"Ta question te concernait toi, directement."
-"Comment.."
-"Quand une daffilesto entre en transe pour guérir une personne à l'aide de sa maul vitarri, elle ressent alors celle-ci, principalement dans la poitrine. Mais il y en a un peu qui parcours tout ton corps, c'est ce qui te permet de ne pas mourrir d'une attaque, si tu es entraînée. J'ai vu les formes de tout ton corps donc. Ne t'inquiète pas", coupa-t-elle alors que Jallie s'apprêtait à parler,"je ne dirai rien aux autres. Sâche que tu es unique, Jallie. C'est vraisemblablement une bonne chose", conclut-elle en lui posant délicatement une main sur l'épaule.
-"Peut-être que j'en apprendrai plus pendant le voyage."
-"Certainement", confirma Dyûl.
*****
-"Alors?" demanda curieusement Dyûl, un poil stressée.
Dellas, Jallie et Zacri étaient en ligne avec elle dans sa maison, face à Joll qui venait de rentrer. Ce dernier fixa le sol un instant, puis ferma la porte, qui grinça avec la lenteur du geste. Il se retourna alors vers eux.
-"On vient. Peut-être qu'on apprendra des choses sur Ornael. Et si ce n'est pas le cas mieux vaut ça que rester chez nous à se tourner les pouces ou broyer du noir."
-"Génial! On sera ravi de vous avoir avec nous!" s'exclama joyeusement Dyûl, grandement rassurée.
-"Oui, enfin, on aimerait bien savoir où on va exactement et pourquoi", dit Dellas."Je pense pas que tu veuilles quitter ton chez toi, alors qu'est-ce qu'on va faire au sud de l'Ornance?"
-"J'ai... un plan. Mais il est vague."
-"Explique", intima Joll.
-"Voilà", commença Dyûl avant de faire une longue pause."Je compte supprimer les fléaux majeurs qui parcourent Salfia."
-"Doln et Sahon?" demanda Joll.
-"Oui."
-"Et le démon des cieux?" reprit Dellas.
-"Oui."
-"S'il existe..." grommela Joll.
-"Les rumeurs sont trop nombreuses par ici. Je compte donc éliminer ces trois monstres."
-"Mais comment tu comptes faire??" demanda Jallie avec véhémence, complêtement abasourdie par la révélation. Elle ne pensait pas qu'il y ait vraiment un moyen, ni quelqu'un d'assez courageux pour le tenter.
-"Au sud de l'Ornance, se trouve un château entouré d'une petite ville, non loin de la plage, abandonné fût un temps, désormais occupé par l'une des 9 sorcières."
-"Où se situe l'Ornance au fait?" demanda Jallie.
-"Nous sommes en Orné, partie nord-ouest du grand continent. L'Ornance est la partie sud", répondit Dellas.
-"Ah je comprends. Et les 9 sorcières?" répèta Jallie.
-"Je vais t'expliquer", intervint Joll."Une race de Salfia s'appelle les vanassyne. Ce sont toutes des femelles, semblables physiologiquement à des humaines. Elles possèdent cependant un grand pouvoir magique, une maul vitarri presque infinie, et le pouvoir du chant. Leur chant permet beaucoup de choses, dont des sorts, entre autre. Le peuple vanassyne s'est scindé en deux il y a bien longtemps. Une partie, pacifique, se fait toujours appelé vanassyne, l'autre, de nature haineuse envers les autres races, se fait appelé sorcières. Celles-ci utilisent leur pouvoir ainsi que de nombreuses potions et rituels pour parvenir à leurs fins, souvent égoïstes et meurtrières. Il y a deux décennies, un groupe appelé les 9 sorcières a fait son apparition sur Salfia. Celles-ci étaient de loin les plus puissantes de toutes, et avaient des objectifs précis. Les sorcières ne sont dévouées à aucun dieu. Depuis, quand une des 9 meurt, une autre la remplace."
-"C'est exact", dit Dyûl, satisfaite des explications de son cher ami."La sorcière de la lune vit aujourd'hui dans le château où nous souhaitons aller."
-"Mais pourquoi y aller dans ce cas?" demanda Dellas, dubitatif.
-"Pour l'éliminer, et reprendre ainsi le château et la ville, où nous installerons le quartier général de la libération de Salfia. Il sera sur terre mais près de l'océan. Nous serons parfaitement placés, et assez éloignés de toute forme de... loi si je puis m'exprimer ainsi."
-"Bien... Excellente idée. Et sur le chemin et une fois là-bas nous rechercherons des alliés là où il peut y en avoir", comprit Joll.
-"Et plus de gens nous rejoindrons plus cela encouragera les autres à faire de même", continua Dyûl."Si nous ne trouvons pas de meilleur moyen, nous abatterons ces monstres grâce au nombre et aux armes. Peu importe le traité de La Faille."
-"Ouhlà..." commença Dellas.
-"C'est un espoir. Je suis avec toi de tout coeur", dit alors Joll.
-"Moi aussi! Le monde se portera bien mieux sans eux!" s'écria Jallie."Allez, ceux qui sont pour, placez vos mains avec la mienne!" continua la jeune fille en tendant le bras, poing fermé.
-"Allons zigouiller ces raclures!" annonça Zacri en plaçant son poing au côté de celui de Jallie, immédiatement.
Dyûl sourit en voyant l'enthousiasme de sa nouvelle amie, et imita Zacri. Bientôt Joll les rejoint, en soufflant ironiquement.
-"Bon, chuis avec vous", s'inclina finalement Dellas en bouclant la réunion.
Les cinq compagnons séparèrent leur poings.
-"Partons sans plus tarder. Un petit navire de bois à moteur nous attend sur la plage", déclara Dyûl." Tout est prêt, les provisions y compris."
Les quatres autres firent oui de la tête, et la suivirent dehors.
-"Tiens, un bateau à moteur t'attends au sud de l'île", dit Dellas en donnant les clés à Hans qui passait par là. Dyûl se retourna vers lui.
-"Au revoir, Hans. Tu le diras aux autres pour moi."
-"Assurément. Au revoir et bonne chance, petite, ton père aurait été fier de toi", répondit le bobairos.
Joll et Hans échangèrent un salut respectueux du menton. Un instant plus tard, les cinq aperçurent le navire de bois, accosté près d'un quai de roche, assez unique. Il était un peu pourri, et assez petit pour un navire, bien que largement suffisant pour cinq personnes.
-"On ne s'arrêtera que pour une île, on fera le voyage en deux temps", annonça Dyûl.
-"J'ai hâte d'être en mer dans ce navire!" s'excita Jallie en courant devant le groupe pour descendre vers la plage."Allez, venez!"

 

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02/03/2016
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