The Cold Phoenix

The Cold Phoenix

Chapitre 6 - CdS tome 1

Chapitre 6 : Blaudé Milnol

La nuit était tombée. Le navire voguait loin en mer, aucune terre n'était encore visible, pas même un vulgaire îlot, et ce, depuis des heures. Dellas râlait auprès de Dyûl sur le bastingage droit du navire.
-"Saleté de vent! Hier on a eu de la chance, il était bien dans notre sens et maintenant c'est le contraire! Comment tu veux avancer si même la nature est contre toi..."
Il dit cela avec un petit ton de rigolade, bien que l'exaspération fut palpable dans sa voix.
-"Quoiqu'il arrive, nous arriverons à bon port, à un moment, ou à un autre, ne t'en fais pas et profite du voyage Dellas", positiva sereinement Dyûl, avec sa chaleur légendaire.
-"En parlant d'arriver à bon port, où est-ce que l'on va accoster exactement?"
-"Je n'en sais rien. On va vers le sud et ensuite on met l'ancre près d'une terre assez isolée... Voilà."
-"Et si on se fait voler le navire?"
-"Actuellement, c'est le dernier de mes soucis."
-"Pourquoi ne pas contourner le grand continent, et aller directement au sud par la voie des mers? Ce serait sans doute plus rapide."
-"Pas rapide, précipité. Ton père te répète assez souvent la différence non?" lança Dyûl avec un petit rire si mignon que même Dellas se prit à l'apprécier sincèrement.
-"Ouais, il fait ça", répondit-il en essayant de rire d'une manière aussi agréable. Ce fut plutôt réussi, car Dellas possèdait un visage à rire.
-"En voyageant par la voie des terres, nous pourrons recruter ceux qui souhaitent joindre notre cause. Et en ces temps-là, il doit y en avoir plus d'un", raisonna l'harnassienne, dont le rire avait soudain diminué, bien qu'elle demeurait de bonne humeur.
-"Oui, probablement. Du moins il faut espérer."
-"Je n'en suis pas persuadé", intervint son père qui longeait la bordure de la coque.
-"Pourquoi cela, Joll?" demanda Dyûl, sans être réellement interrogative.
-"Eh bien si les gens sont, pour la plupart, devenus plus solidaires, ils n'en restent pas moins craintifs, et tiennent souvent à garder ce qui leur reste. Je ne suis vraiment pas convaincu que des masses de gens nous prêtent main forte, pour le coup."
-"Oui cette idée m'a traversée l'esprit", avoua Dyûl, sans abandonner son enthousiasme naturel,"c'est pourquoi nous aiderons certains peuples, ainsi leur gratitude couplée à leur envie de voir ces massacres s'arrêter les pousseront à nous aider. C'est un peu l'idée."
-"Ah, je vois. Le voyage vers le château de lune sera bien plus long que je ne l'aurais pensé à première vue", affirma Dellas, qui faisait la moue.
-"Jallie voulait découvrir Salfia, ça tombe bien", dit Joll pour remonter le moral de son cher enfant.
-"Et c'est parfait. Elle a bien raison d'être curieuse. Elle a l'air très gentille."
-"Oui. C'est à cet âge là qu'une personne se forge pour devenir la base de l'individu qu'elle sera pour le restant de sa vie. Je compte bien faire son... éducation, si je puis dire", lui apprit Joll.
-"Oui, et qu'elle devienne quelqu'un de bien."
Jallie et Zacri s'entrainaient tous deux, la jeune fille à la proue, l'homme ambitieux à la poupe. Ce dernier frappait de coups de poing dans l'air en envoyant un vent aussi furieux que possible. Zacri transpirait à grosses gouttes, mais l'entraînement qu'il se faisait subir depuis des années lui avait donner un cardio et une endurance à toute épreuve. Felenas comptait bien devenir un des plus grands combattants que le monde ait connu. Sa motivation à s'entraîner surpassait tous les traits de sa personnalité. Il envoya un gros coup droit devant lui, qui fendit l'air en deux.
-"Vous ne regretterez pas de m'avoir donné cette armure..."
Ses cheveux trempés comme dans de l'eau, il continuait ses frappes. Il n'avait aucune autre chose en tête pour le moment. Jallie elle, montrait paradoxalement autant de concentration dans son travaille de la magie élémentaire. La jeune fille à queue naissante générait déjà un cristal de glace deux fois plus gros qu'avant d'arriver sur Gesil. Cet exploit êtant certainement dû au fait qu'elle s'entraînait depuis le début de l'après-midi. Elle s'exerçait désormais à faire éclater le cristal de glace. Mais le diamant de givre, dont le peu de lumière reçu se dispersait à 360 degrés, refusait de se briser. Jallie souffla, bien à bout de force, lâcha l'emprise magique qu'elle avait sur le cristal, qui s'empressa de retomber au sol, sans pour autant déclarer forfait. En effet la chute ne suffit pas à fendre la glace de Jallie.
-"Au moins c'est solide..."
Jallie commençait à transpirer malgré le bon climat qui reignait ce soir. Une légère brise lui carressa les joues, et lui retira les petites goutelettes salées qui ornaient son visage. Cela lui mit un sourire épanoui aux lèvres. Elle profitait. Cet instant tranquille, où elle pouvait faire ce qu'elle désirait, aller voir ses compagnons ou rester sur la proue à ressentir le doux souffle du vent sur sa peau. Ce genre de moment purement agréable valait toutes les richesses du monde pour elle. Seul une personne qui a vécue privée de liberté peut réellement apprécier cette dernière. Pour les autres ce n'est qu'un vague concept plutôt flou. Ses cheveux blonds flottant dans l'air, Jallie leva le bras pour reformer un cristal de glace, d'un volume presque égal au précédant. Elle se concentra alors pour le faire éclater... Sans succès. Le conseil de Joll lui revint alors en tête. Elle devait garder les yeux ouverts et fixer son objectif en l'imaginant s'effectuer. Malgré son réflexe de fermer les yeux pour mettre l'accent sur ses autres sens, Jallie les garda ouverts et fixa le petit bloc de givre en se concentrant d'une manière imperturbable. Elle sentait le bloc résister, à bout de force, et continua son effort. Le cristal de givre émit alors un craquement à peine audible, mais surtout, visible. La petite fissure à l'intérieur du bloc circulaire se reflétait bien et donnait l'impression que tout le bloc était prêt à céder. Jallie gémit légèrement en donnant l'odre mental au bloc d'éclater, alors que celui-ci se plia à la volonté de sa maîtresse. Les dizaines d'éclats de glace retombèrent sur le bois du navire. Un grand sentiment de fierté s'empara de la jeune fille. Elle avait réussi.
-"Ce rafiot est plus rapide qu'il en à l'air en tout cas. On a vite atteint l'île brumeuse, je trouve. Même les plus rapide navires à vapeur auraient eu du mal à nous distancer à une vitesse pareil", remarqua Dellas.
-"Le vent était on ne peut plus de notre côté tout de même", lui souffla Dyûl.
-"Ouais, mais c'est pas la vitesse qui m'inquiète."
-"Et qu'est-ce qui t'inquiète, fiston?"
Dellas releva les yeux. Joll pouvait y lire de la colère, mais surtout de l'inquiètude, et ce même si Dellas gardait une sorte de semblant de sourire.
-"Tu le sais très bien, je crois."
Dyûl et Joll ne dirent rien. Il n'y avait rien à dire. Dellas brisa lui-même ce silence gênant.
"En tout cas, si on apprend quoi que ce soit, ton voyage passera au second plan pour nous, sache-le", dit-il en s'addressant à Dyûl."Mais une fois que cette affaire sera réglée, on reviendra vous aider, avec ma mère."
Il reprit un large sourire plaisantin.
"Après tout, il vaut mieux six que cinq!"
-"Tu veux dire il vaut mieux sept que six."
-"Qu'entends-tu par là?"
-"En fait une fois à terre nous aurons un premier objectif, à court terme. Nous irons vers Brenadad pour retrouver une amie à nous. Et par nous, je veux dire moi et Zacri, bien qu'il me semble que vous l'ayez rencontrée, tous les deux."
-"De qui s'agit-il?" intervint Joll.
-"De Blaudé Milnol. C'est une harnassienne kallato, Zacri et moi la connaissons depuis notre enfance sur Gesil. Joll l'a vu deux fois et toi une seule si je ne me trompe", répondit Dyûl en se tournant finalement vers le jeune homme.
-"Attend une seconde..." murmura Dellas.
-"Cette Blaudé ne serait pas une blonde vêtue de rouge et de jaune au niveau des bras? Une harnassienne très calme?" se renseigna Joll.
-"Elle est assez réservée, c'est vrai."
-"C'est celle qu'on a croisé sur l'île d'Acarne", conclut le quadragénaire en regardant son fils.
-"Et dire qu'on l'a pas reconnue! Pourtant elle est assez marquante, mais je n'ai aucun souvenir de l'avoir vu sur ton île."
-"Moi non plus, bizarrement."
-"Et bien vous allez avoir l'occasion de la revoir, une fois à Brenadad nous irons l'attendre dans l'auberge la moins chère de la ville. On la demandera et, si elle n'est pas encore arrivée, nous l'attendrons et elle nous demandera. C'est simple", expliqua Dyûl avec un petit sourire ébêté.
-"J'espère qu'elle fera vite si on tombe sur la deuxième possibilité. J'aime pas attendre."
-"Ca papa, je crois qu'elle le sait déjà."
-"Oui sauf que là en plus on a pas de temps à perdre, sérieusement."
-"Ne t'inquiète pas, Joll", reprit Dyûl,"Blaudé est quelqu'un de ponctuel et qui ne tergiverse jamais. Jamais", assura l'harnassienne.
-"Ca c'est clair!" intervint soudain une voix, de derrière Dellas."C'est pas le genre à faire attendre. D'ailleurs vaut mieux pas la faire attendre non plus si vous voulez un conseil."
En se retournant, Dellas se retrouva face à Zacri Felenas. Dyûl n'avait eu qu'à bouger les yeux et Joll à tourner la tête.
"Elle a un caractère très... foudroyant", annonça-t-il.
-"Exagère pas", réprimanda Dyûl.
-"Eh, t'as plongé ou quoi, t'es trempé vieux!" s'exclama Dellas.
-"Non je m'entraînais."
-"Lui au moins", fit remarquer Joll sur le ton de la repproche en scrutant son fils du coin de l'oeil.
-"Mouais, bref", rétorqua simplement le fiston.
-"On ne devrait pas arriver très loin de Brenadad en nous dirigeant droit vers le sud comme on le fait", minauda Zacri.
Dyûl fouillait dans le petit sac de cuir bleuté qui était accroché à son épaule gauche par une bandouillère, et se situait sur sa hanche droite. Elle en sortit une poire et la tendit à son camarade.
-"Tiens."
-"Merci", la gratifia Zacri en prennant le fruit en main, avant de le croquer et de se diriger vers la cabine principale.
-"Pourquoi une poire?" demanda Dellas, le sourcil levé.
-"C'est son fruit préféré. Il en prend toujours après l'entraînement, quand il y en a une. Là je vous parie qu'il va dormir", murmura l'harnassienne en envoyant un clin d'oeil à l'intention de Dellas.
-"Manger, dormir, s'entraîner, répéter", récita Dellas.
-"Comment tu connais sa devise?" s'étonna Dyûl, des yeux grands ouverts rivés sur son jeune ami.
-"Mon père a la même."
-"Exact, et lui aussi en est à la deuxième étape", annonça Joll en se dirigeant vers la cabine principale.
-"Tu vois?" reprit alors son fils unique.
-"Alalah ton père me plait toujours autant!"
-"Ah mais tu sais qu'il est déjà pris?"
-"Pas dans ce sens là, crétin!", s'exclama Dyûl en poussant l'humain amicalement.
Les deux compagnons rirent. Les éclats de rire parvinrent jusqu'à la jeune fille sur la proue.
"Et toi tu as trouvé chaussure à ton pied, Dellas?"
-"Non, toujours pas."
-"Ca viendra", annonça Dyûl.
-"Mon père dit que c'est tant mieux, que sans femelle pour m'occuper et me distraire je serait plus concentré sur mes objectifs. Ce qui pour lui signifie en général l'entraînement."
-"Joll est un passionné."
-"Et toi tu as trouvé quelqu'un en restant sur ton île perdue?" plaisanta Dellas.
-"Non. Et mon île n'est pas plus perdue que ta montagne!"
-"Tu marques un point."
-"Vous ne dormez toujours pas vous deux?" les interpella Jallie.
-"Et toi alors?" répliqua Dellas.
-"J'y vais justement", annonça la blondinette en marchant vers la cabine.
-"Peut-être qu'on devrait nous aussi?", dit Dyûl en regardant Dellas avec un air questionneur.
-"Ouais", lâcha Dellas dans un soupire, déçu que son agréable conversation avec l'harnassienne prenne fin si tôt.
La nuit se passa de manière calme et paisible. Le lendemain après-midi, le vent ayant aidé le navire à avancer, les compagnons aperçurent la terre du continent tant attendu.
-"Bin voilà, quand même!" s'exclama Joll.
Les cinq personnages se trouvaient sur la proue. Ils se tenaient droit face à la terre qui approchait.
-"On va s'arrêter ici", clarifia Zacri.
-"Ah bon?" rétorqua Dyûl, étonnée du propos.
-"Inutile de trop approcher le navire, et de toute façon on devra se jeter à l'eau, alors autant le faire d'ici."
Les quatres interlocuteurs acquiescèrent d'un mouvement sec de la tête. Joll alla jeter l'ancre. Quand il revint vers la proue, il regarda Zacri qui courait vers celle-ci.
-"Vers la teeeeeeeeeerre!!" hurla l'homme en plongeant dans l'eau salée.
-"Jamais il ne changera", soupira Dyûl, malgré le sourire enchanté qui ornait sa figure. Elle plongea alors sans réfléchir à son tour.
Dellas et Jallie échangèrent un regard perdu. Il se tournèrent alors vers l'avant et plongèrent tête la première dans la mer à leur tour.
-"Malgré votre avance je vous battrai quand même..."
Sur ces mots, Joll fonça se jeter dans l'eau salée de la mer de Nasakua.
Les quatres autres nagaient déjà vers le rivage. Zacri était loin devant, suivit de Dellas, et de Dyûl et Jallie qui traînaient à l'arrière. Joll dépassa très vite les deux femelles, pour ensuite griller sa progéniture, et égaliser Zacri. Ce dernier lui jeta un rapide coup d'oeil en accélèrant la cadence. L'esprit de compétition avait prit le dessus. Mais les efforts du combattant furent vain, car Joll le dépassa quand même pour bientôt atteindre le rivage. Il sauta alors hors de l'eau en effectuant un salto arrière à deux mètres de celle-ci, pour se retrouver sur la terre ferme. Il n'y avait pas de plage ici, l'eau s'arrêtait net devant la terre qu'il aurait fallut grimpée si Joll ne maîtrisait pas l'élément hydrogénique. La terre était recouverte de multiples racines qui formaient un sol verdâtre et filandreux. Ils étaient arrivés au niveau d'une... forêt. Rapidement Zacri arriva à son tour. Les deux hommes attendirent les trois autres compagnons. Une fois ces derniers sur la terre ferme, Dyûl s'adressa à son vieil ami.
-"Tu t'es fait dépassé en beauté par Joll ou mes yeux m'ont joués des tours?" dit-elle sur un ton taquin.
-"Eeeeh... Il maîtrise l'eau aussi. Forcément il nage plus vite."
-"Chacun son truc", intervint Jallie en avançant aux cotés de Dyûl.
-"Bon, vous savez où on est vous?" demanda Dellas.
-"C'est la forêt de Béluâtre. On est pas loin de Brenadad, comme prévu", répondit Joll.
-"Comme prévu? Brenadad?" répéta Jallie, perdue.
-"T'as raté un épisode. On va dans cette ville chercher une sixième membre d'équipe", ricana Dellas.
-"Joll, tu peux m'expliquer sur la carte s'il te plaît?"
-"Bien sûr Jallie", s'exécuta le quadragénaire volontaire pendant que les compagnons avançaient.
Il sortit sa carte en marchant et expliqua à Jallie la situation en continuant d'avancer sur la terre pleine de flore. Dans cette forêt, les arbres étaient plus grands mais plus écartés que dans la forêt de Bafalsa. La nature était d'un vert plus clair et plus luisant. Joll dévoila la carte devant Jallie et clarifia ses pensées.
"Nous sommes à-peu-près là", dit-il en pointant du doigt le nord de la forêt de Béluâtre."Notre objectif actuel est Brenadad, ici", continua-t-il en pointant la ville au sud de leur position."C'est là que nous allons chercher l'amie de Dyûl et Zacri, Blaudé Milnol. Qui est en fait l'harnassiene que l'on a rencontré sur l'île d'Acarne..."
-"Ah..."
-"Bref. Tu vois, ici c'est l'Orné, au sud c'est l'Ornance, où se trouve Kenardile, le château où nous allons virer la sorcière de la lune. La partie nord-est du continent est l'Ornetal, où se situe La Faille, ici. Ensuite tu as les deux autres continents, l'Hakinal, là, et l'Emistil, ici. Ah et au fait là il y a Jotorn, le château qui est censé appartenir à la princesse Flécha Holonien, tu te rappelles?"

 

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-"Oui."
-"Bien. Il est au nord-ouest donc, et comme tu le vois sur la carte est entouré principalement de forêt, mais aussi de beaucoup de plaine. Tu as tout compris, Jallie?"
-"Oui, c'est bon. Direction le sud vers Brenadad alors. Mais comment on sera si on est trop à l'est ou trop à l'ouest?"
-"T'inquiète pas, on le verra au paysage. Pour l'instant on doit s'atteler à s'en sortir ici. Ce qui ne serait pas un exploit, la forêt de Béluâtre n'étant pas du tout réputé pour sa dangerosité."
-"Tant mieux..."
-"Ca veut pas dire que tu dois relâcher ta vigilance", repprocha presque Joll.
-"Oui. Ne t'en fais pas."
-"Arrête de l'embêter, papa!"
-"Laisse-le, il lui apprend la vie", intervint Dyûl.
-"Ouais laisse-le sérieux", confirma Zacri.
-"Quoi?! Eh mais moi j'essaie de l'aider, hein!"
Jallie rit."T'inquiète pas, Dellas, je m'en sort avec Joll."
Le jeune homme lui sourit en retour.
Après plusieurs heures de marches, les compagnons avaient un bon rythme d'avancée. Ils marchaient en silence, quand le jour s'assombrit légèrement.
-"On devrait s'arrêter ici", annonça Joll."Cet arbre me semble idéal pour dormir."
Il prononça ces mots en désignant un arbre épais d'au moins 3 mètres de diamètre, qui possèdait un feuillage à la fois très fourni et perpendiculaire au sol, l'idéal pour un camp. De plus des nuages commençaient à percer dans le ciel, ce qui encourageait la proposition de Joll. Jallie le dévisagea.
-"Tu es fatigué, toi?" s'étonna-t-elle en mettant l'accent sur le dernier mot.
-"Non, mais lève un peu les yeux."
La jeune fille s'exécuta. Elle aperçut alors les nombreux nuages grisâtres dont le relief décorait la voûte céleste.
"Cet arbre sera parfait pour nous protéger de la pluie, car crois-moi pluie il y aura. Et il est grand, tout le monde aura sa place."
-"Bien, faisons cela", clarifia Dyûl d'un ton presque maternel.
Les cinq compagnons posèrent leurs affaires au pied du gros arbre, et Dellas s'allongea, très vite suivit de Zacri. La différence entre les deux hommes était surtout la position, conventionnelle de Zacri, et bien détendue de Dellas. Bientôt Jallie s'assit au pied de l'arbre. Joll prit immédiatement place à coté d'elle.
-"Tiens, tu veux mes anciens gants de cuir? Maintenant avec ceux-là je n'en ai plus besoin. Ils étaient petits pour moi, serrés, donc ils devraient à-peu-près t'aller", raisonna-t-il en lui tendant les gants en question.
-"Bien sûr. Merci", répondit gracieusement Jallie en recevant le cadeau. Elle les regarda un peu avant de rouvrir la bouche."Dellas, tu me prêtes une dague, s'il te plaît?"
-"Quoi t'as perdu ton poignard?"
La jeune humaine se rendit compte de son oubli, et prit en main le poignard accroché à son pantalon par une lamelle de cuir que Joll lui avait donné. Elle coupa tous les doigts des gants.
-"Comme ça j'aurais les doigts libres pour manipuler mon arbalète, et le reste", annonça la jeune fille en souriant.
-"La souplesse est essentielle. Bon choix", la félicita Joll.
Jallie rit nerveusement d'une manière un peu essoufflée.
-"Regarde", dit-elle en regardant l'homme aux gants de métal.
Jallie forma un plus gros bloc de glace qu'à l'habitude et le fit éclater un milles morceaux. De minuscules caillous de givre se logèrent dans la chevelure de Zacri, qui lâcha un petit cri de mauvaise surprise.
-"Pas mal, Jallie. Tu vois, quand on veut, on progresse."
Joll lui fit un clin d'oeil.
Le lendemain matin, une énorme pluie s'écroulait de tout son poids sur la terre. L'efficacité de l'abri de Joll avait fait ses preuves: pas la moindre goutte de pluie n'avait atteint l'un des voyageurs. Mais le vacarme suffit à réveiller Dyûl, malgré que le soleil ne fut pas encore tout à fait dehors. A vue d'oeil, Dyûl estimait l'heure à 10 et des poussières, mais le climat en rendait l'appréciation difficile. Jallie aussi était réveillée, mais Dyûl ne s'en aperçut pas. Elle sortit de son sac bleu ce qui semblait être une grosse boule de cristal, remplie d'herbe bleue et de sable blanc et fin. Dyûl l'observait avec une certaine émotion, ce qui ne manqua pas d'intriguer la jeune blonde.
-"Qu'est-ce que c'est?" questionna l'adolescente.
Dyûl parut sortir d'un rêve. Elle se tourna vers Jallie, toutes deux étant assises sur une racine. Elle se leva pour s'asseoir à coté d'elle puis lui tendit la boule, que Jallie attrapa.
-"C'est un souvenir de mon chez moi."
-"C'est beau... Cette herbe... Tu viens d'un endroit magnifique."
-"C'est pour ce même endroit que je vais me battre. Tu sais, je ne suis pas du genre à aimer le combat du tout."
-"Mais tu le fais malgré tout, en mettant tes sentiments de coté. C'est cela la vrai volonté. C'est ce que Joll dit, et il a raison", complimenta Jallie en regardant Dyûl dans le blanc des yeux.
-"Il le faut oui. Mais une fois que ce sera fini, nous ne risquerons plus rien. Du moins pas en restant sur Gesil."
-"Que veux-tu dire par là?" demanda Jallie, intriguée par les paroles de l'harnassienne.
-"Oh, tu sais, les gens trouvent toujours des moyens de se faire du mal. Mais sur Gesil, nous sommes marginaux, personne ne fait attention à cette petite île. Certains ne savent même pas qu'elle existe tu sais", répondit Dyûl en souriant.
-"Ca a dû vous faire tout drôle quand Sahon est apparut..."
-"Plus ou moins. Pour l'instant il n'a jamais attaqué Gesil. Mais c'est vrai que nous vivons dans la crainte. Bref... Et toi, ça va?"
-"Oui, pourquoi?"
-"Je voulait dire: est-ce qu'elle va bien?"
-"Ah", balbutia Jallie."Oui. Je n'ai plus mal depuis un long moment."
-"MMMMmmmmmm... Dis-donc vous êtes déjà levées?" intervint Dellas, sortant tout juste des bras de Morphée.
Jallie et Dyûl éclatèrent subitement d'un rire fou. Dellas les fixa, dubitatif et mal à l'aise. Il ne s'était pas rendu compte qu'un lambeau de terre s'était collé sur son nez, le faisant ressembler à un clown. Ou à quelqu'un qui aurait enfoui la tête dans une bouse de berlegue. En tout cas pas à quelqu'un qui pouvait espérer stopper le rire franc et profond de ses camarades. Au bout d'un long moment, pour Dellas, elles finirent par se ressaisir, tout en gardant leur bonne humeur fraîchement obtenue.
-"C'est bon, vous avez fini? Tout ça pour de la terre..." grommela le jeune homme en s'essuyant le visage, visage qui avait rougit.
Les deux autres hommes, jusque là endormis, s'éveillèrent à leur tour.
"Là, vous voyez? Vous les avez réveillés avec votre boucan!"
-"C'est pas malin..." grogna Zacri, à moitié endormit.
Joll s'étira longuement. Il fit craquer sa tête en la penchant à 90 degrés sur les deux cotés, puis se leva avant de prendre la parole.
-"Bon, on repart?"
-"Quoi déjà?" s'exclama son garçon.
-"T'as peur de l'eau fiston?"
-"Bon, d'accord."
Dellas se leva quand la pluie s'arrêta. Il prit un air surpris, mais moins que ses camarades, pour qui la situation parassait magique. Un drôle de hasard.
"Ah, je préfère mieux! Merci!"
-"Vous pouvez m'attendre un moment?" survint Jallie.
Les trois hommes la dévisagèrent, devinant la raison pour laquelle elle leur demandait cette faveur.
-"Oui, évidemment. Vas-y on t'attend ici", dit Dyûl.
Jallie la remercia d'un mouvement du membre chef, et s'éloigna dans les buissons plus loin.
-"J'espère qu'il va pas se remettre à pleuvoir..." annonça Dellas.
-"Le feu craint l'eau..." répliqua Joll.
-"Va falloir t'y habituer, la pluie ne va pas s'arrêter pendant tout le voyage. Et puis vous venez bien d'une montagne, non? Vous devez être les premiers à la recevoir", remarqua Zacri.
-"Ouais mais on a un toit au-dessus de la tête, ça fait toute la différence."
Jallie remontait son pantalon en prennant bien soin d'enfouir sa queue dans celui-ci. Elle devait atteindre les 30 centimètres à ce moment là. Elle fut étonnée de voir à quelle vitesse son nouveau membre poussait. Jallie sortit soudain de ses pensées en apercevant un drôle d'être à quelques pas devant elle. C'était une sorte de créature à l'apparence humanoïde, qui était un peu plus grande qu'elle donc plutôt petite de manière générale. La créature était comme vêtue de haillons tricolores: comportant le rouge, le vert et le bleu. Le rouge était assez pâle, tendit que le bleu était assez terne, autant que le vert était vif. La créature avait un visage étrange, la partie basse était en forme de palmes, étirée en certains points, lissée sur le reste. La peau de ce visage était blanchâtre, recouverte de tatouage bleu clair tribaux. La créature avait des yeux bleus avec un large iris blanc profond, qui lui donnait un air absent. Pourtant elle fixait clairement Jallie du regard. Ce regard perçant la mit mal à l'aise l'espace d'une seconde, même moins, ensuite la créature porta un instrument à vent à sa bouche, comme un gros harmonica rond et jaune. Elle joua une musique qui parassait être des notes de flûte mais en plus apaisant, et surtout invitant. Invitant était en effet bien le mot, car Jallie se sentie comme attirée par la créature, elle ressentait une envie irrésistible d'avancer pour rejoindre l'étrange personnage. Les notes devenaient amicales, aussi douces qu'un vent chaud, et aussi puissantes qu'une tempête. Jallie était obnubilée par cette si agréable mélodie. Le monde autour d'elle lui parut soudain plus sombre et plus vivant, comme pour mettre cette créature en valeur dans une dimension parallèle. Jallie fit quelques pas vers le mystérieux personnage, qui recula alors en continuant à jouer le son invitant de son instrument. Il marchait à reculons vers la droite puis vers la gauche, et se mit à danser en jouant de son instrument. Il dansait avec un certain entrain, sans relâcher son regard fixe et vitreux qui arrachait les yeux de la jeune fille. Le personnage attira une énorme sympathie à Jallie, qui sourit mécaniquement. Il gesticulait toujours, lançant ses jambes en l'air une par une... La créature l'envoûtait de plus en plus, la forêt parassait magique et colorée, et l'air paressait affectueux et doux. Jallie suivait la créature dansante et jouante, qui reculait de plus en plus vite. Jallie se mit presque à courir, et la créature ne s'arrêtait pas de reculer dans un sens puis dans l'autre, comme pour l'emmener quelque part, dans un monde féerique. Jallie suivait toujours le curieux personnage, qui ne changeait pas d'expression. Elle se mit à courir quand une main lui attrapa violemment le bras gauche, et la força à se retourner. Elle se sentit alors comme désabusée, la forêt reprenant son aspect initial. Joll lui faisait alors face avec un air à la fois extrêmement inquiet et soulagé.
-"Ne le suis surtout pas!"
Jallie le regarda pendant une fraction de seconde, et se retourna vers la créature, qui avait disparut. L'envoûtement aussi ne se ressentait plus. Elle se demandait alors comment cette mystérieuse créature avait pu autant l'attirer. Elle était à la fois incrédule, et interrogative.
-"Qu.. Qu'est-ce que c'était?" balbutia Jallie, encore en proie au doute et à l'incompréhension.
-"Un souffleur. Ecoute-moi bien, Jallie, ne suis plus jamais ces choses, d'accord?" gronda Joll en la secouant par le bras.
Il portait un air que jamais Jallie n'avait vu son visage. Il paraissait même pâle.
"Je m'en voudrais trop si une de ses créatures... T'emmenait..."
-"Comment ça, qu'est-ce qu'il se passe?"
-"Les souffleurs t'attire avec leur douce musique envoûtante, puis ils t'emmènent jusqu'à un espèce de gros trou de serpent dans des pierres, et ils y rentrent. Leur musique continue, t'invitant à les suivre, jusqu'à ce que tu pénètres dans le noir avec eux..."
-"Et ensuite?"
-"Personne ne sait ce qu'il se passe si tu les suis... Mais on a jamais revu une personne qui l'avait fait. On dit que ce sont des esprits, qui capturent les gens pour les emmener dans une sorte d'enfer sombre et inconnu..."
-"Tous les enfers sont inconnus..." répliqua Jallie, qui commençait à reprendre ses esprits.
-"Celui-là l'est encore plus... Ne refais jamais ça!"
Jallie prit frénétiquement Joll dans ses bras. Sa tête collée sur le torse volumineux du combattant, elle souffla de soulagement.
-"Merci, Joll. Merci infiniment."
-"Pas de quoi, ma petite."
-"M'appele pas comme ça", rétorqua la jeune fille en souriant à son ami.
Jallie lâcha ensuite Joll.
-"Allons-y."
Sur ces mots, Joll se retourna et commença à marcher. Trentes secondes plus tard, Jallie ne reconnaissait même pas les endroits par lesquels ils passaient, que ce soit les arbres, les plantes, les courbes de la terre...
-"Je me suis autant éloignée?"
-"On dirait bien."
-"Mais... Joll, pourquoi tu es venu? Vous étiez censés me laisser tranquille."
-"Tu n'as pas remarqué, mais cela faisait plusieurs minutes. Les souffleurs altèrent la perception du temps."
-"Et pourquoi les autres ne t'ont pas accompagné?"
-"Ils disaient que tu devait être occupée. Surtout Dyûl, elle m'a presque gronder quand je suis parti te chercher", raconta Joll en riant presque sur la fin de phrase.
-"Mais alors, pourquoi tu es quand même venu?"
-"Tu sais bien. Je déteste attendre."
Jallie rit bruyamment.
-"Je te reconnais bien là!"
-"Eh, mon impatience t'as sauvé la vie, même plus!" s'exclama Joll en regardant la jeune humaine.
-"En effet."
-"Tu sais, au début, je croyais que tout le monde détestait attendre comme moi", lui avoua Joll avec un air plaisantin.
-"Haha, et tu t'es rendu compte que tu étais un cas particulier?"
-"C'est toi qui dit ça?"
-"Qu'est-ce que tu veux dire?" demanda Jallie, surprise de ces propos.
-"Tu sais, c'est pas commun une fille qui sait pas que Sahon existe, que les factions se font la guerre, que les souffleurs sont dangereux..."
-"Hein? Quelles factions, c'est quoi ce truc encore?"
-"Oh tu le sauras en temps voulu.<<Encore>>? Tu sais, il reste un paquet de choses que tu ne sais pas!"
-"Alors explique-moi!" cria joyeusement Jallie avant d'apercevoir le reste du groupe, assis près du gros arbre.
-"Plus tard, Jallie. Pas trop d'un coup, il faut que tu assimiles."
-"Bin dis-donc t'en as mit du temps pour quelqu'un qui n'aime pas attendre!" s'écria Dellas en se levant.
-"Je n'aime pas quand MOI j'attends, si c'est toi je n'ai aucun problème en fait."
-"Pourquoi avez-vous mit autant de temps à revenir?" demanda calmement Zacri, l'air neutre.
-"Souffleur. Elle ne savait pas."
Dyûl poussa un grand cri d'étonnement en plaquant sa main contre sa fine bouche. Jallie la regarda sans rien dire.
-"Et bin, l'impatience sauve des vies maintenant!" s'exclama Dellas.
-"C'est ce que je lui ai dit!" répliqua Jallie, quand de la pluie se mit à tomber à nouveau, aussi fort qu'avant leur faux départ.
-"Déjà?!" hurla Dellas, qui s'adressait au ciel lui-même.
-"Peut-être que les souffleurs ont le pouvoir d'arrêter la pluie..." dit Zacri."C'est vrai je n'ai jamais entendu parler d'un souffleur qui était apparut sous la pluie. Ni même de nuit ou de neige. Peut-être que ces esprits ont besoin que le jour soit éclatant..."
-"Mouais... Qui sait?" répondit Joll en commençant à marcher.
Il fut suivit de Dellas et puis Zacri. Dyûl lança un sourire bienveillant à Jallie avant de se mettre elle aussi en route. Jallie marcha alors aux cotés de l'harnassienne à la chevelure bleuté. Elle remarqua ainsi des petites attaches de tissus dans ses cheveux, qui formaient des petits groupes de mèches très jolis. Elle admirait la beauté et le sang froid de l'harnassienne, sa bonne humeur qu'elle parvenait à partager avec ses compagnons... Elle appréciait ce genre de personne, qui pourrait faire du monde un vrai paradis. Ce pouvoir était également en elle, elle en était convaincue. Bientôt, Dyûl, qui se situait alors sur la droite de Jallie, sortit une petite bouteille d'eau ronde de son sac dans laquelle elle bu par petites gorgées.
-"Tu as combien de trucs dans ton petit sac?" demanda Jallie avec un air interrogatif et surpris.
-"Plus que je ne pourrais en compter. J'ai fait le plein avant de partir, tu t'en doutes bien."
Jallie scruta le petit sac bleu avec insistance, le sourcil arqué façon The Rock.
-"Je ne penses pas qu'elle sache comment ça marche", intervint Dellas.
-"Ah, c'est juste", se rendit compte l'harnassienne."Tu vois Jallie, certaines personnes connaissent des enchantements, en particulier les vanassynes, dont nous t'avons parlé avant de partir. Certaines d'entre elles connaissent un enchantement permettant d'augmenter la capacité d'un sac en volume contenu, jusqu'à ce qu'il puisse contenir une salle entière d'objets divers. En fouillant un sac enchanté, il suffit de penser à ce que tu veux prendre pour le sortir. C'est très pratique pour les voyages longs, où l'on ne peut s'encombrer, comme c'est le cas."
-"Quoi? Mais c'est génial! Et le sac de Dellas aussi est enchanté?" s'exclama Jallie.
-"Non, nous n'avons pas les moyens. Ce service est payant. Très cher", répondit le jeune homme.
-"T'as qu'a parler de tes couilles, comme tu l'as si bien appris à ton père", gronda presque la jeune fille.
-"Quoi?" s'étonna Dyûl. L'harnassienne n'était visiblement pas du genre à inclure des termes grossiers dans ses conversations.
-"Eeeuh, c'est une technique pour marchander..." se justifia Dellas, un sourire coupable aux lèvres.
-"Je me demande bien en quoi cela aide à faire baisser un prix..." râla presque la jeune blonde.
-"C'est simple, Jallie. Tu vois à force de discuter avec différentes personnes"
-"Tu voyages tant que ça toi?" interrompit Joll, mais son fils continua sans même lui jeter l'ombre d'un regard.
-"J'ai fini par remarquer que les gens, en particulier les sainte nitouches comme Dyûl et la majorité des religieux"
-"Eh!" coupa l'harnassienne sans perdre sa bonne humeur, prenant ces propos à la plaisanterie.
-"Se mettent mal à l'aise quand ils entendent des grossieretés, en particuliers des choses crues et phalliques. Ils font donc en sorte d'esquiver la situation. Et pour cela", dit-il en haussant le ton, un soupçon de contentement dans la voix," ils essaient de changer de sujet, voire de mettre fin à la discussion, ce qui passe souvent par l'éloignement de celui qui dit ces grossieretés. C'est pourquoi en utilisant, à répétition, de tels impolitesses, tu poussent un vendeur à te laisser un objet au prix que tu demandes, dans le but de te faire partir au plus vite et de ne plus ressentir ce malaise. Voilà la technique Gomfore", conclut-il avec un clin d'oeil complice.
-"C'est du joli ça... Et toi tu l'imites?" lança Dyûl à Joll, comme une mère à son enfant.
-"Et bin... Ca marche..." répondit-il à voix basse, pleinement honteux.
-"Mais, pour en revenir à l'argent", continua Jallie,"comment tu en as eu assez toi?"
-"Et bien, quand mon père est mort, Joll et l'autre amie de mon père, Honesse, m'ont promis d'être là si j'en avais besoin. Et ils m'ont laissés des présents, comme un dédommagement. Celui de Joll était une pierre précieuse, très rare, que j'ai laissée chez moi, à Gesil. Celui d'Honesse était tout simplement une grosse somme d'argent, donnée en main propre. Cela m'avait fait tout drôle, car je n'avais que cinq ans. Bref, voilà comment j'ai eu assez d'argent. Et j'en ai toujours beaucoup si tu veux tout savoir."
-"Tu devrais pas lui dire ça..." pensa Dellas à voix haute, presque accidentellement.
-"Pour qui tu me prends, c'est pas moi la voleuse ici..." répliqua la jeune fille avec un regard défiant.
-"Fier de l'être, au moins moi je survis!"
-"Qui est l'amie de Joll et de ton père? Et pourquoi elle n'est pas avec nous?"
-"Tu sais Jallie, la mort de Frennks nous a tous chamboulés, moi et elle en particulier... Elle a donc décidé de se séparer de moi afin d'oublier... Tout ce qui nous était arrivé..."
-"Qu'est-c"
-"Plus de questions", coupa net Joll, alors que Jallie s'apprêtait à poser une autre question à propos de la bande des trois anciens compagnons.
Un silence embarrassant s'en suivi. Aucun des compagnons n'osait le briser. Ils se contentaient tous d'avancer en silence, dans la forêt. Les gouttes de pluie masquèrent les larmes qui découlaient des yeux de Joll, qui eux fixaient imperturbablement le sol enraciné. Dyûl s'avança alors, mais avec cette appréhension que seul un dresseur montrait, quand il devait se rapprocher d'un géhabro méfiant. Elle alla doucement câler sa tête sur l'épaule de Joll, qui ne réagit pas. Elle marchait alors, en gardant sa tempe contre le trapèze ressortant de l'artiste martial. Jallie et Dellas les observèrent sans savoir que dire, puis le jeune homme jeta un regard plein de sens à Jallie. On pouvait y lire: "Tu vois, je te l'avais dit...". Jallie baissa les yeux en faisant la moue, ce qui équivalait à une réponse silencieuse. Dyûl et Joll ressemblaient davantage à un père et sa fille qu'à deux amants, c'est sûrement pour cela que les autres ne se sentaient pas mal à l'aise à l'excès. La pluie quand à elle, continuait d'autant plus, comme si le ciel ressentait la douleur profonde de l'ami aimant. Zacri posa un poing contre son front tout en continuant d'avancer, c'est ce qu'il faisait toujours quand une difficulté s'annonçait, comme pour se consulter intérieurement pour se préparer à l'affronter. Le métal mouillé de son armure lui refroidit la face, mais peu lui importait car c'était une fierté de porter un cadeau de son dieu.
En plein milieu d'après-midi, vers environ 19 heure(sur 32 c'était le milieu d'après-midi), la pluie avait cessé depuis un long moment, et les compagnons marchaient toujours dans la terre de la forêt de Béluâtre. Zacri sifflait une chansonnette, alors que Dyûl regardait droit devant elle, l'air pensif. C'est à ce moment qu'ils aperçurent une clairière, baignée dans un puit de lumière. Elle était en majorité cachée derrière des gros buissons, mais ceux-ci formaient un trou faisant office d'entrée, et laissait entrevoir un arbre grand, large, et bien singulier.
-"Ouaw, c'est beau", s'écria Dyûl, les yeux étoilés.
-"Allons voir", initia Jallie.
Les cinq personnages pénétrèrent alors par l'ouverture dans les buissons vert sombre. Ils se retrouvèrent vite devant l'arbre, qui était très haut, et assez large pour que qu'on puisse vivre en son tronc. Il était constitué d'une écorce brune craquelée, mais le détail le plus surprenant était les lianes qui pendaient de toute part, s'éloignant de l'arbre. Celles-ci étaient d'un vert bleuté magnifique, et à leur bout se trouvaient des sortes de pétales vert clair, un vert luisant, comme magique. Cet arbre, entouré de lueurs blanches étincelantes, parassait enchanté. Il n'était pas anodin, c'était une certitude. Jallie était sans aucun doute la plus abasourdie de tous.
-"Je ne pensais pas le voir un jour..." lâcha Zacri, les yeux dans le vide.
-"De quoi tu parles?" demanda Dyûl.
-"J'ai entendu la légende de cet arbre. On dit que rares sont ceux qui ont pu le voir de leurs propres yeux comme nous le faisons nous-même. On dit qu'il change toujours de position, tout en restant dans la forêt de Béluâtre, mais sur ce détail rien n'est sûr. L'Halaniccia, on l'appelle. Je suppose que Joll peut nous traduire ce terme."
-"Oui. Cela signifie arbre du destin. Halani signifie destin, tendit que ccia désigne un arbre."
-"Voilà. Vous en savez autant que moi. C'est une chance de voir cet arbre."
-"Et qu'a-t-il de particulier?" demanda Jallie, impatiente.
-"Son apparence..."
-"Mais quoi d'autre, concrètement? Vous avez vu la magie qu'il dégage..."
-"Il a probablement certaines vertues, certains pouvoirs, qui sait... En tout cas nous ne le toucherons pas. Cet arbre a un caractère sacré", prevint Dyûl.
-"Oui."
L'harnassienne aux cheveux de minuit fit soudain un mouvement descendant bref de la tête, comme si elle entendait quelque chose à l'instant.
-"Qu'y a-t-il?" s'inquiéta Joll.
Dyûl lui adressa un signe de la main, pour lui intimer d'attendre, probablement, ce qu'il fit. Elle releva la tête et rouvrit les yeux.
-"Blaudé me dit qu'elle est bientôt arrivée à Brenadad. Nous devrions nous hâter."
-"Comment ça elle te le dit?" demanda Dellas, dubitatif.
-"A vrai dire, Blaudé possède certains pouvoirs assez spéciaux..."
-"Oui, ça on a remarqué."
-"Parmis eux il y a le pouvoir de télépathie. Blaudé peut parler par la pensée à quelqu'un si cette personne ne se situe pas trop loin d'elle."
-"Et toi tu peux lui répondre?"
-"Non, seule elle possède ce don."
-"Cela doit être vraiment pratique!" s'exclama Joll.
-"Oui, ça l'est."
-"Et bien continuons alors!" brefa Jallie.
Dyûl lui adressa un signe de la tête, acquiesçant, et les compagnons ressortirent par l'unique entrée de la clairière magique. Joll regarda sa boussole et le groupe reprit la direction du sud. Quelques heures plus tard, avant que la nuit ne commence à tomber, ils aperçurent l'orée de la forêt. Dellas lâcha un cri de contentement, alors que Jallie regardait les étendues d'herbes qui leur apparaissaient.
-"Nous voilà à la fin de la forêt de Béluâtre. Nous-y sommes presque", conclut Dyûl.
Quelques mètres plus loin, une fois hors des bois, Zacri observait autour de lui, l'air de chercher quelque chose.
-"Où est-ce qu'on est..." disait-il."A l'est ou à l'ouest de la ville..."
-"Je pense que l'on est à l'ouest", dit clairement Joll, l'air sûr.
-"Et à quoi tu vois ça?"
-"Eh bien Brenadad est à notre gauche, sachant que nous sommes tournés vers le sud, c'est donc l'est."
Zacri regarda encore en grimaçant. Il poussa un petit cri d'étonnement quand il aperçut de loin la ville, qui de là n'était qu'une grosse tâche brune, à peine plus.
-"Et bin on a pas atterit loin, tant mieux!"
-"Ca facilite bien les choses", remarqua Dellas.
-"Allons-y", dit Dyûl.
Ils se mirent à marcher vers la ville, dans les herbes vert bruni qui couvraient partout la terre, empêchant même de voir cette dernière. Plus loin on pouvait voir d'autres forêts. Joll n'avait pas menti en disant à Jallie que la plupart des terres de l'Ornée étaient recouvertes de forêt.
-"Je trouve ça bizarre qu'il n'y ait pas de route de ce côté de la ville", murmura presque Zacri.
-"C'est parce qu'il n'y a pas grand chose ici. Regarde ta carte, il y a peu de villages au nord-ouest de Brenadad", répondit Joll sur un ton explicatif.
-"Ah ouais. C'est logique. Quoique une route ça coûte quand même pas grand chose, mais bon..."
-"Moi en tout cas ce que j'apprécie ici, c'est qu'on ne dépend d'aucun royaume. Terre neutre, loi inexistante, tout comme les formes d'autorités. Ca ça me plait", se réjouit Dellas.
-"Ca va vite changer quand on partira de Brenadad demain", répliqua Joll.
-"Rabat-joie."
Joll lança un sourire faussement hautain à son fils unique. Une fois arrivés près de l'entrée du village, Jallie ne pu que remarquer que cette ville n'avait rien à voir avec Grandatum. Elle n'était pas entouré d'un grand mur, complêtement ouverte, aucune porte. Les maisons étaient ici moins hautes, et constituées de briques et de pierres, le toit en bois foncé. Beaucoup de gens travaillaient, ou discutaient tout simplement. On était très loin du vacarme de Grandatum, bien que la ville ne se trouvait pas être silencieuse. Les magasins y étaient moins nombreux, mais plus que ce que Jallie attendait.
-"Bonjour, savez-vous où se trouve l'auberge la moins cher de cette ville, s'il vous plaît?" interpella Dyûl.
-"Non, désolé chère demoiselle" , nia le galter qui passait par là.
-"Bon, on va devoir demander à quelqu'un d'autre", dit Dyûl une fois le galter parti.
Ils arrivèrent très vite dans la ville, entre les maisons, sur une route creusée dans le sol. De nombreux travailleurs trainaient des brouettes remplies de terre et de bois. Non loin devant eux, après une avancée de quelques mètres, les voyageurs se trouvaient au pied d'une scène construite avec du bois, dont une seule partie de quelques mètres carrés était utilisable, le reste de l'estrade étant encore en construction.
-"Une fête est en préparation?" s'interrogea Zacri, neutre.
-"Oui, la fête qui précède le Temia, vous êtes des étrangers?" s'enquit une magnifique harnassienne, visiblement c'était une danseuse, d'après les talons hauts recouverts de décorations en tissu précieux qui lui servaient de chaussures.
-"Oui nous venons de l'île de Gesil et ne sommes ici que pour la nuit. Qu'est-ce que le Temia, mademoiselle?" articula poliment le combattant en armure.
Jallie fut bien surprise de l'entendre parler aussi courtoisement. Elle s'était peut-être forgée une opinion trop vite en se qui concernait Zacri Felenas. Très certainement.
-"Alors laissez-moi tout vous expliquer, mon cher", renchérit la danseuse aux mi-longs cheveux bruns foncés."Le Temia est une fête spécifique à Brenadad. Cette fête a lieu chaque mois, le 17ème jour, et est là tout simplement pour nous permettre de profiter du fait que nous sommes encore en vie, et que Doln n'a pas encore jugé utile de raser notre belle ville de la carte. Nous commençons la soirée en commémorant les vies perdus des villes et villages n'ayant pas eu notre chance. Ensuite le spectacle commence, avec au programme de celui-ci: danseuses, comme vous pouvez le voir, mais aussi musique, pièces de théatre et aussi toute sorte d'autres divertissements destinés à ravir les habitants, ainsi que les voyageurs de passage tels que vous."
-"Excellente idée. Il est bon de voir que certains n'ont pas perdu le goût de vivre, tout en prenant soin de savourer celui-ci. Mais dîtes-moi, pourquoi donc fêter le Temia tous les 17ème du mois?"
-"Eh bien, mon cher, parce que l'apparition de Doln, sa découverte tout du moins, a eu lieu le 17 du mois de Nora, en l'an 0 comme vous vous en doutez. Etant donné que nous sommes le 17 du mois de Bebtara, 6ème mois de l'année, cela fait donc 5 ans et 5 mois que Doln se trouve sur le grand continent."
-"Je ne savais pas cela. Au risque d'abuser de votre serviabilité, mademoiselle, peut-être pourriez vous nous indiquer où se trouve l'auberge la moins chère de la ville?"
La danseuse vêtue de vêtements de soie rouges et blancs se mit à gémir, comme de satisfaction.
-"Mon cher ami, la nuit du Temia, toutes les auberges sont absolument gratuites, et ce, pour tout le monde et sans exception quelle qu'elle soit. Je vous conseillerais donc, La Fée d'Orné, l'auberge qui se situe juste derrière vous. C'est celle où je suis pour la nuit, car il se trouve que je ne viens pas non plus de cette ville."
-"Et d'où venez-vous donc?"
-"Nous aurons très certainement l'occasion d'en papoter ce soir, mon cher", souffla tendrement la danseuse.
Zacri lui adressa un signe de la tête, puis il se dirigea vers La Fée d'Orné, suivit des quatre autres du groupe. Dyûl le regardait d'un air soupçonneux.
-"Depuis quand tu parles aussi poliment?" demanda Jallie, qui disait tout haut ce que les Gomfore pensaient aussi tout bas.
-"Depuis toujours. Tu sais il faut être courtois au possible quand on parle à une femelle. C'est la bonne façon de se comporter, vois-tu."
Jallie remua la tête comme un élastique en signe de compréhension.
-"Et depuis quand tu te laisses charmer comme cela?"
-"Voyons Dyûl, cette harnassienne était très courtoise, je n'ai fait que lui rendre la pareille. C'est une bien agréable personne."
-"Dit-il", grogna presque Dyûl, un brin jalouse."Bon je vais aller voir l'aubergiste pour lui demander si il a vu Blaudé. Vous m'attendez ici, au cas où elle arriverait à l'instant."
-"Oui", fit Joll.
La jeune harnassienne pénétra dans l'auberge par la porte en bois entourée de feraille propre. Celle-ci n'était point du tout rouillée, car elle se situait sous un long porche, qui s'étendait des deux cotés du bâtiment, probablement attaché à d'autres possessions. Pendant ce temps Jallie scrutait les alentours. Des gens qui avaient l'air joyeux, d'autres dont le visage était assombris par la corvée, mais tous étaient assez pressés. Il devait être environ 26 heures, car le densité lumineuse du jour avait diminuée, sans pour autant prévenir de l'arrivée prochaine de la nuit.
-"Joll, c'est quoi l'ordre des mois de l'année déjà?"
-"Nora, Besra, Gira, Lebra, Pollera, Bebtara, Khilera, Fetara, Willara. Nous sommes le sixième de l'année, les deux tiers donc."
-"Merci, j'avais un peu oublié.."
C'était comme cela en Salfia. Les dates fonctionnaient ainsi: les années étaient chiffrés en nombre écoulées avant et après La Faille, ils étaient donc en 5 après LF. Les mois étaient, comme précédemment cité, au chiffre de 9, et comportaient chacun 38 jours, chaque jour comprenant 32 heures. Les heures étaient constituées de 60 minutes, chacunes d'elles composées de 60 secondes. Simple, non?
-"Une fête, c'est cool ça!" déclara Dellas, visiblement ravi.
-"Ouais, c'est vrai. C'est bien qu'ils en fasse une tous les mois, ça aide les gens à subir les aléas de la vie", affirma Joll.
Dyûl ressortit à l'instant même de l'auberge. Elle faisait la moue en se dirigeant vers sa bande.
-"Non, il dit qu'aucune harnassienne de ce genre n'est venue aujourd'hui."
-"Bof... Plus qu'à attendre alors. Je vais visiter la ville, moi, peut-être que je la croiserait", annonça Zacri en s'éloignant à reculons avant de se retourner vers la partie en construction de la scène pour la longer.
-"On va faire pareil, je crois", suivit Joll.
-"Ouais", confirma Dellas.
-"Bien. J'ai déjà pris la clé de notre chambre. Ils en avaient encore deux pour six personnes. Je vous attendrai là."
Sur ces paroles, Dyûl se redirigea vers l'auberge de la Fée d'Orné. Les Gomfore fixèrent alors Jallie sans mot dire.
-"Quoi?" s'inquiéta la jeune fille.
-"Bin tu viens avec nous ou tu vas avec elle dans la chambre?" répliqua Dellas en haussant les épaules frénétiquement.
-"Je voudrais faire le tour moi aussi. Mais j'aimerais le faire seule, je suis assez grande", argumenta Jallie avec une intense conviction.
Mais Joll la regarda avec un air mécontent. Il finit vite par secouer la tête sur les cotés, comme si il acceptait malgré son désaccord.
-"D'accord. Mais tu fais bien attention, hein! T'as un poignard, n'oublie pas."
-"Oui, ne t'en fais pas Joll."
La jeune fille se dirigea alors vers l'autre côté de l'estrade, où des danseuses commençaient déjà à répéter. Elle passa à coté en les regardant, pas particulièrement étonnée. Les Gomfore rebroussèrent chemin, en direction d'un magasin d'armes qu'ils avaient entrevus en arrivant en ville. Ils parvinrent bientôt à ce magasin, dont l'enseigne était un espadon plus gros que Joll, accroché juste au-dessus du paillasson d'entrée.
-"T'as pas intérêt à ce qu'il chute quand tu passes..." ironisa Joll.
-"Y a que toi qui possède une poisse assez grande pour ça!"
-"Haha, si tu savais..."
Jallie, elle, se trouvait devant un petit garçon qui soufflait du feu. Il était jeune, mais l'enfant faisait visiblement partie de ceux qui allaient performer durant la soirée. Il se tenait face à un mur de bois, sur lequel étaient plantés trois petits bâtons horizontaux, au bout desquels pendaient une minuscule boule de laine, pas plus large que le doigt de Jallie. Le garçon souffla une petite boule de feu précise sur chacune des trois boules en un instant, et parvint à touts les brûlées, sans toucher au bâtonnets. Jallie applaudit immédiatement devant une telle démonstration d'adresse, surtout à cet âge. Le garçon lui lança un sourire gratifiant, puis alla récupérer les bâtonnets. Jallie continua d'avancer dans la ville, s'écartant un peu du centre d'attention de celle-ci, afin de la voir dans son ensemble.
-"Regarde ça!" s'exclama Dellas.
-"Pas mal. Tu comptes les acheter?"
Le jeune homme aux cheveux châtain clair tenait deux dagues au manche de cuir. Mais les lames de ces dagues, qui se trouvaient être plus grandes de quelques centimètres que celles de Dellas, étaient d'une couleur bleu sombre, entourée d'un tranchant blanc, très aiguisé.
-"Ah ça oui! Je vais demander un peu d'argent à Dyûl!" s'écria le jeune homme en marchant vers la sortie du magasin d'armes.
-"Ce n'est pas parce que tu sais qu'elle détient beaucoup de fonds que tu dois lui en demander à la légère comme cela!" le tança son père.
-"A la légère? Hè, c'est pour la bonne cause. Avec ça je serai plus efficace, et je serai donc plus à même de remplir les tâches qui me seront assignées. C'est elle qui a voulu faire tout ça, elle dois participer puisqu'elle a beaucoup plus d'argent que nous!" raisonna le fiston avec de grands éventails des bras, avant de quitter le magasin.
Jallie, elle, rasait presque les murs des habitations de Brenadad. Elle avait atterit dans une partie de la ville bien moins dense en population active. Elle passait à coté d'un passage entre deux bâtiments quand une main lui saisit le poignet avec une poigne brusque. Elle fût immédiatement jetée dans un coin isolé derrière les habitations. Elle releva la tête et vit un galter aux poils gris sombre lui faire face avec un grand sourire machiavélique. Le galter la gifla et l'attrapa par la gorge violemment pour la plaquer contre le bois plus loin.
-"T'as de l'argent toi hein..."
-"Non je n'ai rien", objecta Jallie, mais ses paroles avaient peines à sortir sous la pression de la main poilue. Cependant son agresseur semblait avoir compris. A moins qu'il ne devina par habitude.
-"Mais oui, mais oui..." se moqua-t-il avant de la reposer à terre."Donne-moi tout, chri, vêtements, tout!"
Jallie, prise d'un élan d'adrénaline, dégaina le poignard accroché sur sa hanche. Mais à peine avait-elle levée la main que le galter lui saisit. Elle relâcha l'arme sous la compression que subissait son poignet. Le bandit lui colla une gifle de son autre main, et la plaqua à nouveau contre le bois rugueux. Cette action arracha à la jeune fille un cri de douleur. C'est à cet instant que Jallie constata, à son plus grand désarroi, que le galter était accompagné par un autre individu de la même race, au poils bruns, qui observait cette situation avec un sourire presque jubilant.
-"Elle est armée la petite hein! Retire-lui son carquois, elle pourrait essayer de te planter avec un carreaux!" conseilla l'acolyte.
-"Elle a qu'a essayer tiens!" rétorqua sèchement l'autre, avant de jeter Jallie derrière-lui, devant l'autre galter.
Il s'avança lentement vers elle, alors que le galter brun la ceintura de ses bras.
-"Je veux pas juste prendre ce que tu as, je veux surtout que toi t'ais plus rien, sale humaine! Ceux de ta race ont déclenché tout ce qui nous arrive!" accusa-t-il, une haine palpable dans le regard.
Jallie détestait cette situation. Elle ressentait l'impuissance et la vanité de ses propos."Je suis assez grande" qu'elle avait dit."Sûrement pas encore" songea-t-elle. Elle tentait de se débattre comme une petite lione, mais le galter était trop fort pour elle, étant adulte. Cette sensation de vulnérabilité lui fit prendre conscience d'une chose sûre: jamais elle ne voulait l'éprouver à nouveau. Jamais. Mais pour l'instant elle était aux mains de ces gens, et elle devait impérativement s'en libérer. Impérativement, mais impossible. Que fait-on alors?"On subit", se dit-elle. Elle regardait le galter grisâtre qui lui faisait toujours face, son poignard en main. Il se mit à savourer sa victoire de toute son âme, quand un éclair lui frappa soudainement la tête par le haut. L'agresseur s'écroula, inerte. L'autre se retourna immédiatement, au moins autant surpris que Jallie l'était. Ceci à l'exception près que lui était terrifié, alors qu'elle était grandement soulagée. Jallie faisait alors face cette fois à sa sauveuse, une harnassienne aux cheveux blonds vêtue de rouge, qu'elle reconnue dans la seconde.
-"Va t'en! Ou je te jure"
-"Que tu la tuera?" coupa sereinement Blaudé Milnol."Tu n'as pas remarqué que c'est feu ton ami qui avait le poignard?"
Le galter brun yeuta le sol précipitemment, et vit le poignard au sol.
"Je ne te conseille pas. Tu n'as rien à gagner."
Le galter réfléchit l'espace d'un instant, avant de prendre la meilleure décision. Il relâcha Jallie brusquement, avec l'énergie soufflante de la peur.
-"D'accord, tiens je te la laisse!" beugla l'être poilu à crinière plus foncé que les poils qui recouvraient son corps. Il avait pris un air de celui qui arrange la situation, l'air de dire"très bien, c'est bon, on est quitte, tranquille". Jallie se retourna immédiatement vers son agresseur, à mi-chemin entre lui et Blaudé. Mais celle-ci leva malgré tout la main vers le galter qui se vit comme dévorer par une sorte d'énergie rouge sombre, et noire. Il n'eut pas le temps de crier qu'il s'écroula."Pour mourir si vite, ils doivent être très faibles, probablement pas entrainés du tout", pensa Jallie."Facile de s'attaquer en nombre à plus jeune".
-"Ramasse ton poignard", ordonna presque l'harnassienne.
-"Merci. Infiniment", gratifia Jallie en récuperant sa petite arme.
-"Où sont les Gomfore?"
-"Tu te rappeles d'eux?"
-"Bien sûr que je me souviens d'eux. Ce qui n'était visiblement pas vraiment leur cas. Pourquoi tu es seule?" demanda la kallato, avec un léger sourire amicale.

 

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07/03/2016
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